CHAPITRE I
EUROPE ALLER
Page 01 (du 01 au 03 juillet 2014)
Nous y voilà, mes premières impressions se sont faites attendre mais je dois avouer 2 choses. Premièrement il me faut trouver un certain rythme, les journées s'enchaînent et je ne me suis laissé que peu de temps jusqu'alors pour m'exprimer.
Ensuite, il se trouve que je travaille sur une tablette...c'est vraiment pas pratique et pire que ça, j'ai réussi à perdre ce que j'avais écrit de ma première semaine, fichier corrompu... Hum, puis je ne sais pas trop comment, à retrouver une partie.
Bref, cette fois-ci c'est bien parti, alors je me lance pour mes premier articles, comme attendus.
Mes débuts dans cette aventure se sont déroulés dans un certain confort, j'ai eu le grand plaisir de faire la connaissances de 3 hôtes cyclos tous plus agréables, accueillant et interessant les uns que les autres. Les 2 premiers en France, le dernier sur la jolie ville de Fribourg. Ces trois premières journées se sont déroulées sans accros, sous le soleil, puis sous la pluie, puis sous le soleil, la pluie...la pluie. Bon ne vous méprenez pas, la pluie n'est gênante que les 30 premières minutes, ensuite on l'oublie (bien entendu, si cela continue des semaines durant avec les nuits sous la tente, l'histoire devient rapidement lassante). En revanche le vent, lui, ne se fait jamais oublier et peut très vite se montrer décourageant, nous y reviendrons plus tard.
Aux jolis paysages vallonnés du jura, se sont succédés le lac de Neuchatel et sa belle cité médiévale de Estavayer, j'aurais eu bien entendu grand plaisir à y plonger la tête si je ne m’étais pas imposé un rythme quelque peu soutenu. Enfin...soutenu, n'oublions pas qu'à 20km/h de moyenne (beaucoup moins quand ça grimpe hehe) cela laisse le temps d'apprécier la vue. Je continue. Sont arrivées les plaines et leurs lots de bâtisses impressionnantes, ici le bois est à l'honneur bien entendu et ce sont de simples maisons mais aussi chalets, fermes et autres lieux de cultes à l'architecture bien travaillée qui tendent à me fasciner. Résumons: Quelques centaines de kilomètres et je suis déjà sous le charme du monde qui m'entoure, je me dis alors que partir directement d'une Istanbul ou même d'une Venise m'aurait fait passer à côté de quelques belles choses.
Pour ma 3e soirée, j' eus grand plaisir à prendre quelques minutes, guidé par mes hôtes fribourgeois (ça, sonne bien je trouve) à visiter la vieille ville fortifiée. Nous en profiterons pour déguster une bonne bière régionale dans un bar réputé pour sa terrasse avec vue magnifique. Cette ville se révèle beaucoup plus intéressante que je ne l'imaginais, elle fut bâtie dans un genre de canyon, c'est vraiment une curieuse urbanisation qui vaut le coup d’œil, et après réflexion sûrement plus qu'une soirée pour la visiter: des églises à tous les coins de rue, autant de couvents, des bâtiments en vieilles pierres bien restaurés, des quartiers d'en haut, d'autres d'en bas et j'en passe.
Page 02 (du 04 au 07 juillet 2014)
Ainsi, partant de Fribourg pour rejoindre les 2 lacs au pied de mon 1er col, l'accent suisse me semble de plus en plus prononcé jusqu'à ce que finalement je ne distingue plus aucun mot, nous passons donc dans la région alémanique. Je passais mon temps tête levée, vers les beaux paysages pré alpins, les élevages et les bêtes sauvages surprises au détour de virages. Et nous voici là, avec ma charmante compagne de route, découvrant le plaisir serein d'apprécier d'aussi simples choses. Les itinéraires "vélos-route" de suisse, m'ont mené à quelques trésors, telle cette petite forêt marquant mon approche sur Interlaken, ville semblerait-il plutôt bourgeoise et malheureusement fort peu accueillante. Puis cette superbe cascade. Mais j'eus aussi droit à quelques belles difficultés avec entre autres:
- Un passage en forêt en mode tout terrain, avec un COMBO !! racines humides, cailloux pointus, pente à 15% (dans un sens puis un autre, c'est plus marrant) et personnes âgées qui ne se poussent pas
- Une fin de journée en plaine, où le vent refusait de me laisser passer. Petite anecdote, je n'ai jamais autant grimacé, testant à cette occasion toutes sortes de mimiques au passage de véhicules, mais rien n'y fit, personne ne s'arrêta pour moi. En Suisse, un bonhomme seul trainant 50 kg de matos, perdu en campagne à 18h, à flaner au milieu des fermes et faisant des écarts d'un côté à l'autre de la route (même pas beurré le mec) semble tout à fait normal... Je remercie quand même le seul paysan qui voulu bien faire un petit effort pour moi me proposant un carré d'herbe, de bouze pardon en plein vent mais ça sera non. Je ferai finalement une bonne heure et demi face au vent à... 12km/h pendant que les bleus perdaient leur 1/4 de final... il n'eut bien que cette assiette saucisse / frites pour me réconforter de payer l'équivalent d'un petit hôtel en France pour dormir sous ma voile, face au vent.
J'attaquais finalement les 2, a bah non "en fait Edouard tu as 3 cols à passer" (Olivier 2 jours plus tôt sur Fribourg). Donc je disais que j'attaquais en grande forme les 3 cols, soit un jour pour le Grimsel (1540m de dénivelé positif sur 27km) Puis un 2e jour pour le Furka (670m sur 10km) et le Gottar (610m sur 9km). De bien belles étapes à peine perturbées par un ciel fortement ombragé et un trafic intense. Je trouvais quand même le moyen de pester un peu lors de l'ascension face au vent du dernier col pour lequel, la voie accessible aux vélos se trouvait être l'ancienne voie romaine (et bien entendu, pavée).
Finalement je suis assez satisfait de ma progression, je me serais assez bien sorti des alpes, inspirant un profond respect de la part des cyclistes ultra shapé (musclé) et ultra-léger. Z'auriez du me voir au milieu des vélos carbone avec costumes de coureurs de tour de France, moi, en short de touriste et sandales sur ma grosse monture d'acier, y'avait comme un petit décalage de style eh. Je me rendrais compte de cela seulement plus tard lorsque 2 mecs croisés à la frontière italienne me diront "ah ouais c'était toi dans les alpes là ! Bravo".
La descente sur l'italie ne posa pas de problème mais se trouva être beaucoup moins passionnante que les journées précédentes. La triplette francs suisse volatile, pluie incessante et trafic ultra dynamique me feront gagner une journée sur cette partie mais par la même occasion, passer à côté de la jolie ville de Lugano, en bord de lac.
J'atteins alors l'Italie la tête dans les étoiles et ce n'est pas qu'une image, en effet pour arriver à ma gesthouse, je dois passer une grande épreuve qui me mènera à la nuit, tombée plus tôt pour l'occasion. COMBO!! grimpette d'un chemin pavé sur les hauteurs de la ville de Como, sous l'orage (pas la pluie, l'orage hin, tu vois la mousson dans la scène de la guerre du vietnam de Forest Gump, bin là c'est pareil). Heu "grimpette", hum 25% de pente, c'est de l'escalade hin, une bonne heure durant, j'ai poussé ma grasse compagne pieds nus (bin oui ça glisse les cales de chaussures auto sur le pavé mouillé). Cette fois la récompense fut à la hauteur de l'épreuve, j'y trouvais, une magnifique maison, une accueillante tenancière, un compagnon de soirée sud africain, un excellent repas local et tout le confort d'une auberge de jeunesse.
Page 03 (du 08 au 09 juillet 2014)
Pour ma première journée en Italie, je trace vers l'est où une charmante famille franco-italienne m'attend dans la petite France, une jolie région proche de Brescia, récemment viticole, qui pourrait s'apparenter à un terroir français. Je n'apprecierai pas les paysages cette fois là, les très fréquentes averses m'aident à appuyer fortement sur les pédales. Parti 1h en retard pour cause de gros petit dej (ça aide aussi à avancer) j'arrive finalement avec 1h d'avance, Hedwige et Maurizio m'attendent.
Le lendemain, après une excellente nuit dans ma grande chambre, cela est convenu, nous nous imposons mutuellement (avec Ciboulette) une journée de repos. Mon corps en a bien besoin, en effet une légère douleur dans l 'aine persiste depuis quelques jours maintenant. Cela ne m'a pas empêché de monter les cols mais je dois être prudent et surveiller les petits signes de faiblesse qui pourrait gêner ma progression. Le soleil ayant fait l'effort de se montrer, cela me met vraiment de bonne humeur pour une belle journée passée au sein de cette délicieuse famille d'accueil. Je me sens bien ici, tres reconnaissant de cette pause, c'est avec grand plaisir que je donne la main à quelques tâches manuelles. Pour Ciboulette, c'est une vraie longue sieste bien méritée suivie d'une séance massage qui s'annonce. au programme: décrassage, vérification des boulonneries, réglages des freins et dérailleurs, et enfin, j'ai repéré un bon jeu dans le cintre, séquelles inevitables après l'escalade puis la descente de l'auberge de Como. Voila ma chère bicyclette en bonne forme, prête à reprendre les routes italiennes. Demain nous partons pour Vérone.
Page 04 (le 10 juillet 2014)
Je quitte donc cette famille le coeur lourd, me demandant si il est normal de se sentir aussi bien chez les autres que chez soi. En un sens c'est comme un déchirement, après tout je ne puis affirmer les revoir un jour et cela me trouble un instant. J'essaye de me convaincre que des aventures exceptionnelles m'attendent, accompagnées de leurs lots de rencontres, d'échanges.
Les premiers tours de pédales me semblent raides, comme si mon esprit se permettait de prolonger un peu cette halte, laissant mes muscles décider seuls de leur motivation. Il me faudra alors une dizaine de minutes et l'apparition de deux beautés chevauchant leur bicyclette avec la dextérité d'un oisillon lors de son premier vol, pour dissiper définitivement mon inquiétude et permettre à mes yeux de recouvrir leur complète attention. C'est ainsi que, filant à travers les vignobles verdoyant de cette "petite France", comme ils l'appellent ici, je ne sens plus l'effort, tout devient facile, agréable.
Sur cet itinéraire bien avisé (merci Maurizio), de chemins ombragés en routes ouvertes sur les paysages pré alpins, je découvre la belle Italie.
C'est à cet instant que je croise sa route. Peter, il ouvre les gaz sous mon nez comme un pigeon messager devant un monarque (note: papillon migrant sur des milliers de km).
Habituellement, cette scène de mon périple ne m'émeut que très peu mais cette fois il se passa quelque chose d'inattendu. Rapidement après son passage, il abaissa sa cadence puis, montant sur ses pattes arrière à la manière d'un suricate, se tourna la tête dans ma direction de curieuse façon. Je le rattrapai et nous entamions alors une folle collaboration. Ce grand, blond et plutôt bel homme, d'âge mûr, grimpé sur sa jolie compagne de carbone, était parti d'Autriche quelques jours plus tôt, pour s'en venir retrouver sa chère petite amie italienne, de l'autre côté des Alpes. Une motivation moins idiote qu'une autre!
Et ainsi, jouant des coudes avec les automobiles, je parviens à lui raconter, en anglais et non sans quelques graves fautes de grammaire, ce que je fais ici avec tout mon attirail. A mon grand étonnement, nous nous entendons sur notre objectif commun, à savoir le Lac Garda, je serai son aiguilleur (avec mes cartes et gps), il sera ma locomotive. Nous parcourons alors ensemble quelques 40km, filant à une allure incroyable (pour moi), tant et si bien que le temps semble s'être figé une heure. J'avoue ma peine à le suivre à tout instant mais celui-ci restant attentif à son suivant, me laisse reprendre sa roue. Nous gagnons comme prévu le lac et vient alors le temps de le remercier.
Cette course folle, sans pause, m'ayant épuisé, je trouve rapidement de quoi me restaurer, il est alors 15h et, très en avance sur mon étape, je peux prendre le temps de faire quelques brasses dans cette eau douce parfaitement tempérée. Mes muscles se detendent, je déguste attentivement le contact rafraîchissant que cette masse informe et limpide procure sur mon corps, Ciboulette me surveille, à l'ombre d'un palmier, comme si pour elle aussi cet instant était synonyme de bonheur. Finalement je suis peut-être bien, moins seul que je ne l'imaginais.
Page 05 (le 11 juillet 2014)
Ahhh Vérona! Le simple fait d'évoquer son nom provoque instantanément un sentiment d'admiration, face à ses monuments, façades, ruelles, je découvre un fascinant mélange de style et de couleurs. Ma ronde ici, fut un doux plaisir, et pour la première fois, je compris tout l'avantage d'être sur ma bicyclette en milieu urbain. Si les routes italiennes joignant les villes sont généralement ingrates aux cyclotouristes, en revanche les centres historiques sont fort bien adaptés.
Surfant quelques heures dans cette marée urbaine avec aisance et cordialité, agile tel un cétacé, j'en oubliais presque mes 120kg.
Me vint alors le moment de chercher refuge pour la nuit. La guesthouse repérée un peu plus tôt n'ayant pas trouvé l'utilité d'indiquer une adresse précise, je me perdis quelques temps, soufflai gravement puis me décidai à passer mon chemin.
Le but du jeu fut d'avancer un peu vers ma prochaine destination afin de trouver un petit hôtel rural ou devrais-je dire...routier. Mais, de routier je ne trouvais que quelques pizzerias de bord de route fort peu aguichantes, me vint alors un réflexe étrange. En effet après quelques dizaines de kilomètres, ne me décidant toujours pas à pousser la porte d'un quelconque établissement, je donnais un très soudain coup de patins sur ma droite, et d'essayer de me convaincre: "Je ne sais pas où je vais, sur cette petite route de campagne, mais ce sera certainement moins désagréable qu'au milieu du trafic sur cette voie nationale, non?".
Et en effet, en quelques mètres, je decouvris de plaisants paysages. Rapidement, j'entrai dans un petit village et tombai déjà sur ce qui deviendra mon gîte pour un soir. Une pizzeria, pour changer...Le parking vide en cette heure peu avancée, je décidai en un instant que c'etait ma chance. J'approchai lentement tel un félin vers sa proie, révisai mon meilleur anglais puis entrai. Traversant une grande salle vide mais bien apprêtée, mobilier en bois, nappes blanches et banquettes à coussins bariolés, un style parfaitement classique des restaurants italiens populaires, je butai sur le comptoir recouvert de trophés, de glorieuses photos puis, trois personnes attendant sagement leurs premiers clients. J'ignorais encore que je venais de découvrir le refuge d'un grand maître dans l'art de la pizza, décoré des plus hautes distinctions internationales, rien que ça!
Quelques mots furent difficilement échangés dans un mélange que je qualifierais d'anglo-latin. Une personne se leva, disparue, de l'italien filtra quelque part plus arrière. Je restais un moment espérant quelque chose (tiens c'est marrant en italien "attendez" se dit "expecta"), puis Martina m'apparut, suivie de son messager (et compagnon), Sebastiano.
La jeune demoiselle à peine majeur, charmante et pétillante m'accueillant alors de son plus beau sourire, me salua dans un anglais tout à fait convenable cette fois-ci, en fait il était plus riche que le mien, je dois dire. Les présentations faites, je demande l'hospitalité avec toute l'assurance d'un adolescent prépubaire et propose en échange de manger une pizza ici même. C'est alors que, comme émerveillée par mon audacieuse requête (mais surtout par mon aventure), elle insiste auprès de ses parents et me propose le service all inclusive, ou presque. Au menu: ballade à vélo, glace artisanale en ville, repas offert par la maison, spot au calme pour la tente et sortie de fin de soirée dans les rues festives.
"J'en veux tous les jours !"
Page 06 (du 12 au 14 juillet 2014)
Ah! J'oubliais presque le petit déjeuner, inclus dans l'offre, avec capuccino royal et viennoiserie, voilà de quoi me conditionner mentalement à la petite épreuve suivante.
Il n' y a pas grand chose à retenir de cette étape qui malgré sa faible difficulté, ne me donnait pas même l'occasion de visiter la charmante ville de Padoue. En effet, arrivé sur place en début d'après-midi, mon objectif premier fut de trouver un petit lunch avec accès à internet. Ayant perdu tous mes écrits non postés pour cause de "fichier corrompu"... je passais un long moment à essayer de les retrouver vainement. Dans un même temps, la bataille que je menai pour entrer en contact avec mon hote fut telle que je ne pus en profiter ce jour-là. Les minutes, que dis-je les heures défilant à un rythme impalpable, je pus apprécier, de derrière la vitrine de mon café, un magnifique orage de début de soirée. Et Ciboulette, grinçant des maillons, de me prier de bien vouloir me decider à faire quelque chose. Je pus alors aussi apprecier la forte intensité de cette pluie, depuis la bicyclette.
C'est fort agréablement qu'un petit hôtel du centre ville m'accueillit moi et ma moustache humide. Après les tarifs d'américains pratiqués sur les côtes achalandées, celui-ci me sembla fort correct.
Le jour suivant, sous un beau ciel, pour l'occasion, je me laissai du temps dans les rues de la ville. Et Padoue se révéla être au moins aussi intéressante que Vérone, en fait même plus, comme vous allez le voir.
Mon hôte tant attendu la veille, Anita, me proposa un déjeuner à son appartement afin d'y laisser reposer Ciboulette pour l'après midi. Je repris donc ma visite le ventre plein, les yeux émerveillés par tant de bienveillance et un nouveau compagnon dont j'ignore le nom (tout biclou ne mérite peut-être pas d'être baptisé après tout). Me revoilà donc voguant, léger comme un moineau, mais curieux et passionné, dans un dédale citadin, empli d'histoire et de rencontres.
Et justement, une rencontre aussi inattendue que heureuse allait se présenter à moi. C'est alors que, comme surgissant de nulle part, je me jetai sur une des belles places piétonnes et tombai nez à nez sur...Hedwige et son plus jeune fils, Ellia.
Je m'étonnai de cette seconde entrevue et commençai sérieusement à penser qu'une bonne étoile veillerait toujours sur moi.
Ne me satisfaisant pas d'un bon souper en leur compagnie, je proposai (lisez, plutôt, "m'incrustai") de les accompagner, à leur sortie du lendemain vers la serenissime Venise. Si je vous avouais à ce stade de mon parcours que j'avais planifié de flirter avec ce remarquable site historique sans m'y arrêter, me croiriez-vous?
Le malin étant écarté, nous passerons une journée mémorable au centre de ce qui fut la ville la plus élégante d'europe. Je ne me lassai pas de contempler le raffinement de ses constructions mis en exergue de part et d'autre des canaux à l'eau couleur turquoise. En un instant, il me devint inimaginable d'avoir pu songer à passer à côté de ça sans m'y arrêter.
Je repartirai donc de ce lieu, à la fois le coeur léger mais avec la sensation de ne pas en avoir entièrement fini avec cette cité qui mérite bien plus qu'une journée pour être pleinement comprise. Venise, nous nous reverrons !
Page 07 (du 15 au 17 juillet 2014)
Pendant ce temps, chez Anita, ma belle se remettait paisiblement de ces journées de pluie et des longues distances avalées jusqu'ici. C'est donc en pleine forme que nous reprenions notre chemin vers l'est.
Une petite étape balnéaire entre des routes nationales pas aussi désagréables que fréquentées et nous voici en deux grosses journées aux portes des Balkans, Trieste, ultime escale italienne. Trois jours d'avance sur le planning et ne sachant pas choisir entre deux hôtes, je me décidai finalement à profiter d'une halte supplémentaire ici.
Pour mon arrivée en ville, je rencontrai Kaja, expatriée de Croatie pour quelques mois, dans le cadre des obligations envers Bruxelles du nouvel arrivant. Voila qui tombe à pic comme on dit. Elle ne se contentera pas de m'héberger dans son "old dusty flat" tel qu'elle le qualifie, toute désolée. Elle me paiera aussi une bonne bière croate sur la place branchée du bord de mer (pour me mettre en condition). Nous étudierons ensemble un itinéraire pour mon passage dans son pays natal, elle en profitera pour me glisser quelques conseils bien avisés.
Cette grande baroudeuse, à la silhouette élancée, me sembla aussi à l'aise dans sa petite robe estivale qu'elle l'eut été dans ses voyages autour du monde. Ah, et entre nous, son appartement n'en resta pas moins un palace en regard du peu de confort que peut offrir une tente.
Je me sentis presque idiot de devoir remercier Kaja dans l'idée d'aller voir ailleurs, dans le même ville, un caprice de gamin qui souhaiterait un deuxième tour de manège. Elle, en revanche sembla comprendre ma démarche sans détour et m'enveloppa de ses grands bras ajoutant ces quelques mots: "take care of you my friend".
Au tour de Federica de m'accueillir dans son bel appartement, bien disposé dans le centre, proche d'un petit parc. Si je commence à m' accoutumer à défaire et refaire mes sacoches tous les jours, cette fois-ci je m'en serai bien passé, 1km sous 35°C et deux étages et voilà que mon corps reclamait déjà une douche.
Nous passerons la soirée en tête à tête, à nous présenter et à échanger sur nos avis communs, tel deux amants lors de leur premier rendez-vous. Je dois reconnaître que la demoiselle, de tout juste mon âge, graphiste de métier retenait alors toute mon attention. Ajoutez à cela les douces sonorités exotiques qui ponctuent son français et vous l'aurez compris, j'etais sous le charme de la belle italienne.
RESUMÉ
DURÉE
17 jours
DISTANCE PARCOURUE
1201 km ; moyenne journalière 71 km
TEMPS PASSÉ À VÉLO
59h31 ; moyenne journalière 3h30
DÉNIVELÉ POSITIF
9773 m
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES EDOUARD
. Grosse fatigue des le 1er jour, limite hypoglycémie
eh j'étais un bébé cyclo, je devais apprendre à savoir faire des pauses, à manger, être propre (oui non le dernier c'était déjà ok)
. Bon coup de soleil vilain sur les 2 avant bras
Je sais maman je dois mettre ma crème solaire, mais je transpire comme un cheval!
. Douleur persistante dans l'aine: 19h cumulées
A force de m'étirer comme un ane, c'est pas si étonnant...
. Petites crampes passagères: 1min cumulées
Autant dire quasi rien, je vous dis, je m'étire comme un âne
. Mal de tetons: 30 min d'affilee
Quoi ça ne vous arrive jamais? Bin il devait faire froid je ne sais pas, je vous en pose des questions moi? Ah oui.
. Douleur au fondement: 3h30 cumulées
Hey! Ça va, ça passe.
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES CIBOULETTE
. 4 chutes à l'arrêt, sans casse fort heureusement
"quand l'idiot qui me grimpe dessus pendant des heures en aura marre de se niquer les chevilles et les mains, il pensera peut-être à déclipser ses chaussures automatiques quand il s'arrête"
. Remplacement d'un élastique sur fixation de sacoche de guidon
Remerciement au gentil monsieur réparateur de moto de m'en avoir fourni d'autres
Nous y voilà, mes premières impressions se sont faites attendre mais je dois avouer 2 choses. Premièrement il me faut trouver un certain rythme, les journées s'enchaînent et je ne me suis laissé que peu de temps jusqu'alors pour m'exprimer.
Ensuite, il se trouve que je travaille sur une tablette...c'est vraiment pas pratique et pire que ça, j'ai réussi à perdre ce que j'avais écrit de ma première semaine, fichier corrompu... Hum, puis je ne sais pas trop comment, à retrouver une partie.
Bref, cette fois-ci c'est bien parti, alors je me lance pour mes premier articles, comme attendus.
Mes débuts dans cette aventure se sont déroulés dans un certain confort, j'ai eu le grand plaisir de faire la connaissances de 3 hôtes cyclos tous plus agréables, accueillant et interessant les uns que les autres. Les 2 premiers en France, le dernier sur la jolie ville de Fribourg. Ces trois premières journées se sont déroulées sans accros, sous le soleil, puis sous la pluie, puis sous le soleil, la pluie...la pluie. Bon ne vous méprenez pas, la pluie n'est gênante que les 30 premières minutes, ensuite on l'oublie (bien entendu, si cela continue des semaines durant avec les nuits sous la tente, l'histoire devient rapidement lassante). En revanche le vent, lui, ne se fait jamais oublier et peut très vite se montrer décourageant, nous y reviendrons plus tard.
Aux jolis paysages vallonnés du jura, se sont succédés le lac de Neuchatel et sa belle cité médiévale de Estavayer, j'aurais eu bien entendu grand plaisir à y plonger la tête si je ne m’étais pas imposé un rythme quelque peu soutenu. Enfin...soutenu, n'oublions pas qu'à 20km/h de moyenne (beaucoup moins quand ça grimpe hehe) cela laisse le temps d'apprécier la vue. Je continue. Sont arrivées les plaines et leurs lots de bâtisses impressionnantes, ici le bois est à l'honneur bien entendu et ce sont de simples maisons mais aussi chalets, fermes et autres lieux de cultes à l'architecture bien travaillée qui tendent à me fasciner. Résumons: Quelques centaines de kilomètres et je suis déjà sous le charme du monde qui m'entoure, je me dis alors que partir directement d'une Istanbul ou même d'une Venise m'aurait fait passer à côté de quelques belles choses.
Pour ma 3e soirée, j' eus grand plaisir à prendre quelques minutes, guidé par mes hôtes fribourgeois (ça, sonne bien je trouve) à visiter la vieille ville fortifiée. Nous en profiterons pour déguster une bonne bière régionale dans un bar réputé pour sa terrasse avec vue magnifique. Cette ville se révèle beaucoup plus intéressante que je ne l'imaginais, elle fut bâtie dans un genre de canyon, c'est vraiment une curieuse urbanisation qui vaut le coup d’œil, et après réflexion sûrement plus qu'une soirée pour la visiter: des églises à tous les coins de rue, autant de couvents, des bâtiments en vieilles pierres bien restaurés, des quartiers d'en haut, d'autres d'en bas et j'en passe.
Page 02 (du 04 au 07 juillet 2014)
Ainsi, partant de Fribourg pour rejoindre les 2 lacs au pied de mon 1er col, l'accent suisse me semble de plus en plus prononcé jusqu'à ce que finalement je ne distingue plus aucun mot, nous passons donc dans la région alémanique. Je passais mon temps tête levée, vers les beaux paysages pré alpins, les élevages et les bêtes sauvages surprises au détour de virages. Et nous voici là, avec ma charmante compagne de route, découvrant le plaisir serein d'apprécier d'aussi simples choses. Les itinéraires "vélos-route" de suisse, m'ont mené à quelques trésors, telle cette petite forêt marquant mon approche sur Interlaken, ville semblerait-il plutôt bourgeoise et malheureusement fort peu accueillante. Puis cette superbe cascade. Mais j'eus aussi droit à quelques belles difficultés avec entre autres:
- Un passage en forêt en mode tout terrain, avec un COMBO !! racines humides, cailloux pointus, pente à 15% (dans un sens puis un autre, c'est plus marrant) et personnes âgées qui ne se poussent pas
- Une fin de journée en plaine, où le vent refusait de me laisser passer. Petite anecdote, je n'ai jamais autant grimacé, testant à cette occasion toutes sortes de mimiques au passage de véhicules, mais rien n'y fit, personne ne s'arrêta pour moi. En Suisse, un bonhomme seul trainant 50 kg de matos, perdu en campagne à 18h, à flaner au milieu des fermes et faisant des écarts d'un côté à l'autre de la route (même pas beurré le mec) semble tout à fait normal... Je remercie quand même le seul paysan qui voulu bien faire un petit effort pour moi me proposant un carré d'herbe, de bouze pardon en plein vent mais ça sera non. Je ferai finalement une bonne heure et demi face au vent à... 12km/h pendant que les bleus perdaient leur 1/4 de final... il n'eut bien que cette assiette saucisse / frites pour me réconforter de payer l'équivalent d'un petit hôtel en France pour dormir sous ma voile, face au vent.
J'attaquais finalement les 2, a bah non "en fait Edouard tu as 3 cols à passer" (Olivier 2 jours plus tôt sur Fribourg). Donc je disais que j'attaquais en grande forme les 3 cols, soit un jour pour le Grimsel (1540m de dénivelé positif sur 27km) Puis un 2e jour pour le Furka (670m sur 10km) et le Gottar (610m sur 9km). De bien belles étapes à peine perturbées par un ciel fortement ombragé et un trafic intense. Je trouvais quand même le moyen de pester un peu lors de l'ascension face au vent du dernier col pour lequel, la voie accessible aux vélos se trouvait être l'ancienne voie romaine (et bien entendu, pavée).
Finalement je suis assez satisfait de ma progression, je me serais assez bien sorti des alpes, inspirant un profond respect de la part des cyclistes ultra shapé (musclé) et ultra-léger. Z'auriez du me voir au milieu des vélos carbone avec costumes de coureurs de tour de France, moi, en short de touriste et sandales sur ma grosse monture d'acier, y'avait comme un petit décalage de style eh. Je me rendrais compte de cela seulement plus tard lorsque 2 mecs croisés à la frontière italienne me diront "ah ouais c'était toi dans les alpes là ! Bravo".
La descente sur l'italie ne posa pas de problème mais se trouva être beaucoup moins passionnante que les journées précédentes. La triplette francs suisse volatile, pluie incessante et trafic ultra dynamique me feront gagner une journée sur cette partie mais par la même occasion, passer à côté de la jolie ville de Lugano, en bord de lac.
J'atteins alors l'Italie la tête dans les étoiles et ce n'est pas qu'une image, en effet pour arriver à ma gesthouse, je dois passer une grande épreuve qui me mènera à la nuit, tombée plus tôt pour l'occasion. COMBO!! grimpette d'un chemin pavé sur les hauteurs de la ville de Como, sous l'orage (pas la pluie, l'orage hin, tu vois la mousson dans la scène de la guerre du vietnam de Forest Gump, bin là c'est pareil). Heu "grimpette", hum 25% de pente, c'est de l'escalade hin, une bonne heure durant, j'ai poussé ma grasse compagne pieds nus (bin oui ça glisse les cales de chaussures auto sur le pavé mouillé). Cette fois la récompense fut à la hauteur de l'épreuve, j'y trouvais, une magnifique maison, une accueillante tenancière, un compagnon de soirée sud africain, un excellent repas local et tout le confort d'une auberge de jeunesse.
Page 03 (du 08 au 09 juillet 2014)
Pour ma première journée en Italie, je trace vers l'est où une charmante famille franco-italienne m'attend dans la petite France, une jolie région proche de Brescia, récemment viticole, qui pourrait s'apparenter à un terroir français. Je n'apprecierai pas les paysages cette fois là, les très fréquentes averses m'aident à appuyer fortement sur les pédales. Parti 1h en retard pour cause de gros petit dej (ça aide aussi à avancer) j'arrive finalement avec 1h d'avance, Hedwige et Maurizio m'attendent.
Le lendemain, après une excellente nuit dans ma grande chambre, cela est convenu, nous nous imposons mutuellement (avec Ciboulette) une journée de repos. Mon corps en a bien besoin, en effet une légère douleur dans l 'aine persiste depuis quelques jours maintenant. Cela ne m'a pas empêché de monter les cols mais je dois être prudent et surveiller les petits signes de faiblesse qui pourrait gêner ma progression. Le soleil ayant fait l'effort de se montrer, cela me met vraiment de bonne humeur pour une belle journée passée au sein de cette délicieuse famille d'accueil. Je me sens bien ici, tres reconnaissant de cette pause, c'est avec grand plaisir que je donne la main à quelques tâches manuelles. Pour Ciboulette, c'est une vraie longue sieste bien méritée suivie d'une séance massage qui s'annonce. au programme: décrassage, vérification des boulonneries, réglages des freins et dérailleurs, et enfin, j'ai repéré un bon jeu dans le cintre, séquelles inevitables après l'escalade puis la descente de l'auberge de Como. Voila ma chère bicyclette en bonne forme, prête à reprendre les routes italiennes. Demain nous partons pour Vérone.
Page 04 (le 10 juillet 2014)
Je quitte donc cette famille le coeur lourd, me demandant si il est normal de se sentir aussi bien chez les autres que chez soi. En un sens c'est comme un déchirement, après tout je ne puis affirmer les revoir un jour et cela me trouble un instant. J'essaye de me convaincre que des aventures exceptionnelles m'attendent, accompagnées de leurs lots de rencontres, d'échanges.
Les premiers tours de pédales me semblent raides, comme si mon esprit se permettait de prolonger un peu cette halte, laissant mes muscles décider seuls de leur motivation. Il me faudra alors une dizaine de minutes et l'apparition de deux beautés chevauchant leur bicyclette avec la dextérité d'un oisillon lors de son premier vol, pour dissiper définitivement mon inquiétude et permettre à mes yeux de recouvrir leur complète attention. C'est ainsi que, filant à travers les vignobles verdoyant de cette "petite France", comme ils l'appellent ici, je ne sens plus l'effort, tout devient facile, agréable.
Sur cet itinéraire bien avisé (merci Maurizio), de chemins ombragés en routes ouvertes sur les paysages pré alpins, je découvre la belle Italie.
C'est à cet instant que je croise sa route. Peter, il ouvre les gaz sous mon nez comme un pigeon messager devant un monarque (note: papillon migrant sur des milliers de km).
Habituellement, cette scène de mon périple ne m'émeut que très peu mais cette fois il se passa quelque chose d'inattendu. Rapidement après son passage, il abaissa sa cadence puis, montant sur ses pattes arrière à la manière d'un suricate, se tourna la tête dans ma direction de curieuse façon. Je le rattrapai et nous entamions alors une folle collaboration. Ce grand, blond et plutôt bel homme, d'âge mûr, grimpé sur sa jolie compagne de carbone, était parti d'Autriche quelques jours plus tôt, pour s'en venir retrouver sa chère petite amie italienne, de l'autre côté des Alpes. Une motivation moins idiote qu'une autre!
Et ainsi, jouant des coudes avec les automobiles, je parviens à lui raconter, en anglais et non sans quelques graves fautes de grammaire, ce que je fais ici avec tout mon attirail. A mon grand étonnement, nous nous entendons sur notre objectif commun, à savoir le Lac Garda, je serai son aiguilleur (avec mes cartes et gps), il sera ma locomotive. Nous parcourons alors ensemble quelques 40km, filant à une allure incroyable (pour moi), tant et si bien que le temps semble s'être figé une heure. J'avoue ma peine à le suivre à tout instant mais celui-ci restant attentif à son suivant, me laisse reprendre sa roue. Nous gagnons comme prévu le lac et vient alors le temps de le remercier.
Cette course folle, sans pause, m'ayant épuisé, je trouve rapidement de quoi me restaurer, il est alors 15h et, très en avance sur mon étape, je peux prendre le temps de faire quelques brasses dans cette eau douce parfaitement tempérée. Mes muscles se detendent, je déguste attentivement le contact rafraîchissant que cette masse informe et limpide procure sur mon corps, Ciboulette me surveille, à l'ombre d'un palmier, comme si pour elle aussi cet instant était synonyme de bonheur. Finalement je suis peut-être bien, moins seul que je ne l'imaginais.
Page 05 (le 11 juillet 2014)
Ahhh Vérona! Le simple fait d'évoquer son nom provoque instantanément un sentiment d'admiration, face à ses monuments, façades, ruelles, je découvre un fascinant mélange de style et de couleurs. Ma ronde ici, fut un doux plaisir, et pour la première fois, je compris tout l'avantage d'être sur ma bicyclette en milieu urbain. Si les routes italiennes joignant les villes sont généralement ingrates aux cyclotouristes, en revanche les centres historiques sont fort bien adaptés.
Surfant quelques heures dans cette marée urbaine avec aisance et cordialité, agile tel un cétacé, j'en oubliais presque mes 120kg.
Me vint alors le moment de chercher refuge pour la nuit. La guesthouse repérée un peu plus tôt n'ayant pas trouvé l'utilité d'indiquer une adresse précise, je me perdis quelques temps, soufflai gravement puis me décidai à passer mon chemin.
Le but du jeu fut d'avancer un peu vers ma prochaine destination afin de trouver un petit hôtel rural ou devrais-je dire...routier. Mais, de routier je ne trouvais que quelques pizzerias de bord de route fort peu aguichantes, me vint alors un réflexe étrange. En effet après quelques dizaines de kilomètres, ne me décidant toujours pas à pousser la porte d'un quelconque établissement, je donnais un très soudain coup de patins sur ma droite, et d'essayer de me convaincre: "Je ne sais pas où je vais, sur cette petite route de campagne, mais ce sera certainement moins désagréable qu'au milieu du trafic sur cette voie nationale, non?".
Et en effet, en quelques mètres, je decouvris de plaisants paysages. Rapidement, j'entrai dans un petit village et tombai déjà sur ce qui deviendra mon gîte pour un soir. Une pizzeria, pour changer...Le parking vide en cette heure peu avancée, je décidai en un instant que c'etait ma chance. J'approchai lentement tel un félin vers sa proie, révisai mon meilleur anglais puis entrai. Traversant une grande salle vide mais bien apprêtée, mobilier en bois, nappes blanches et banquettes à coussins bariolés, un style parfaitement classique des restaurants italiens populaires, je butai sur le comptoir recouvert de trophés, de glorieuses photos puis, trois personnes attendant sagement leurs premiers clients. J'ignorais encore que je venais de découvrir le refuge d'un grand maître dans l'art de la pizza, décoré des plus hautes distinctions internationales, rien que ça!
Quelques mots furent difficilement échangés dans un mélange que je qualifierais d'anglo-latin. Une personne se leva, disparue, de l'italien filtra quelque part plus arrière. Je restais un moment espérant quelque chose (tiens c'est marrant en italien "attendez" se dit "expecta"), puis Martina m'apparut, suivie de son messager (et compagnon), Sebastiano.
La jeune demoiselle à peine majeur, charmante et pétillante m'accueillant alors de son plus beau sourire, me salua dans un anglais tout à fait convenable cette fois-ci, en fait il était plus riche que le mien, je dois dire. Les présentations faites, je demande l'hospitalité avec toute l'assurance d'un adolescent prépubaire et propose en échange de manger une pizza ici même. C'est alors que, comme émerveillée par mon audacieuse requête (mais surtout par mon aventure), elle insiste auprès de ses parents et me propose le service all inclusive, ou presque. Au menu: ballade à vélo, glace artisanale en ville, repas offert par la maison, spot au calme pour la tente et sortie de fin de soirée dans les rues festives.
"J'en veux tous les jours !"
Page 06 (du 12 au 14 juillet 2014)
Ah! J'oubliais presque le petit déjeuner, inclus dans l'offre, avec capuccino royal et viennoiserie, voilà de quoi me conditionner mentalement à la petite épreuve suivante.
Il n' y a pas grand chose à retenir de cette étape qui malgré sa faible difficulté, ne me donnait pas même l'occasion de visiter la charmante ville de Padoue. En effet, arrivé sur place en début d'après-midi, mon objectif premier fut de trouver un petit lunch avec accès à internet. Ayant perdu tous mes écrits non postés pour cause de "fichier corrompu"... je passais un long moment à essayer de les retrouver vainement. Dans un même temps, la bataille que je menai pour entrer en contact avec mon hote fut telle que je ne pus en profiter ce jour-là. Les minutes, que dis-je les heures défilant à un rythme impalpable, je pus apprécier, de derrière la vitrine de mon café, un magnifique orage de début de soirée. Et Ciboulette, grinçant des maillons, de me prier de bien vouloir me decider à faire quelque chose. Je pus alors aussi apprecier la forte intensité de cette pluie, depuis la bicyclette.
C'est fort agréablement qu'un petit hôtel du centre ville m'accueillit moi et ma moustache humide. Après les tarifs d'américains pratiqués sur les côtes achalandées, celui-ci me sembla fort correct.
Le jour suivant, sous un beau ciel, pour l'occasion, je me laissai du temps dans les rues de la ville. Et Padoue se révéla être au moins aussi intéressante que Vérone, en fait même plus, comme vous allez le voir.
Mon hôte tant attendu la veille, Anita, me proposa un déjeuner à son appartement afin d'y laisser reposer Ciboulette pour l'après midi. Je repris donc ma visite le ventre plein, les yeux émerveillés par tant de bienveillance et un nouveau compagnon dont j'ignore le nom (tout biclou ne mérite peut-être pas d'être baptisé après tout). Me revoilà donc voguant, léger comme un moineau, mais curieux et passionné, dans un dédale citadin, empli d'histoire et de rencontres.
Et justement, une rencontre aussi inattendue que heureuse allait se présenter à moi. C'est alors que, comme surgissant de nulle part, je me jetai sur une des belles places piétonnes et tombai nez à nez sur...Hedwige et son plus jeune fils, Ellia.
Je m'étonnai de cette seconde entrevue et commençai sérieusement à penser qu'une bonne étoile veillerait toujours sur moi.
Ne me satisfaisant pas d'un bon souper en leur compagnie, je proposai (lisez, plutôt, "m'incrustai") de les accompagner, à leur sortie du lendemain vers la serenissime Venise. Si je vous avouais à ce stade de mon parcours que j'avais planifié de flirter avec ce remarquable site historique sans m'y arrêter, me croiriez-vous?
Le malin étant écarté, nous passerons une journée mémorable au centre de ce qui fut la ville la plus élégante d'europe. Je ne me lassai pas de contempler le raffinement de ses constructions mis en exergue de part et d'autre des canaux à l'eau couleur turquoise. En un instant, il me devint inimaginable d'avoir pu songer à passer à côté de ça sans m'y arrêter.
Je repartirai donc de ce lieu, à la fois le coeur léger mais avec la sensation de ne pas en avoir entièrement fini avec cette cité qui mérite bien plus qu'une journée pour être pleinement comprise. Venise, nous nous reverrons !
Page 07 (du 15 au 17 juillet 2014)
Pendant ce temps, chez Anita, ma belle se remettait paisiblement de ces journées de pluie et des longues distances avalées jusqu'ici. C'est donc en pleine forme que nous reprenions notre chemin vers l'est.
Une petite étape balnéaire entre des routes nationales pas aussi désagréables que fréquentées et nous voici en deux grosses journées aux portes des Balkans, Trieste, ultime escale italienne. Trois jours d'avance sur le planning et ne sachant pas choisir entre deux hôtes, je me décidai finalement à profiter d'une halte supplémentaire ici.
Pour mon arrivée en ville, je rencontrai Kaja, expatriée de Croatie pour quelques mois, dans le cadre des obligations envers Bruxelles du nouvel arrivant. Voila qui tombe à pic comme on dit. Elle ne se contentera pas de m'héberger dans son "old dusty flat" tel qu'elle le qualifie, toute désolée. Elle me paiera aussi une bonne bière croate sur la place branchée du bord de mer (pour me mettre en condition). Nous étudierons ensemble un itinéraire pour mon passage dans son pays natal, elle en profitera pour me glisser quelques conseils bien avisés.
Cette grande baroudeuse, à la silhouette élancée, me sembla aussi à l'aise dans sa petite robe estivale qu'elle l'eut été dans ses voyages autour du monde. Ah, et entre nous, son appartement n'en resta pas moins un palace en regard du peu de confort que peut offrir une tente.
Je me sentis presque idiot de devoir remercier Kaja dans l'idée d'aller voir ailleurs, dans le même ville, un caprice de gamin qui souhaiterait un deuxième tour de manège. Elle, en revanche sembla comprendre ma démarche sans détour et m'enveloppa de ses grands bras ajoutant ces quelques mots: "take care of you my friend".
Au tour de Federica de m'accueillir dans son bel appartement, bien disposé dans le centre, proche d'un petit parc. Si je commence à m' accoutumer à défaire et refaire mes sacoches tous les jours, cette fois-ci je m'en serai bien passé, 1km sous 35°C et deux étages et voilà que mon corps reclamait déjà une douche.
Nous passerons la soirée en tête à tête, à nous présenter et à échanger sur nos avis communs, tel deux amants lors de leur premier rendez-vous. Je dois reconnaître que la demoiselle, de tout juste mon âge, graphiste de métier retenait alors toute mon attention. Ajoutez à cela les douces sonorités exotiques qui ponctuent son français et vous l'aurez compris, j'etais sous le charme de la belle italienne.
RESUMÉ
DURÉE
17 jours
DISTANCE PARCOURUE
1201 km ; moyenne journalière 71 km
TEMPS PASSÉ À VÉLO
59h31 ; moyenne journalière 3h30
DÉNIVELÉ POSITIF
9773 m
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES EDOUARD
. Grosse fatigue des le 1er jour, limite hypoglycémie
eh j'étais un bébé cyclo, je devais apprendre à savoir faire des pauses, à manger, être propre (oui non le dernier c'était déjà ok)
. Bon coup de soleil vilain sur les 2 avant bras
Je sais maman je dois mettre ma crème solaire, mais je transpire comme un cheval!
. Douleur persistante dans l'aine: 19h cumulées
A force de m'étirer comme un ane, c'est pas si étonnant...
. Petites crampes passagères: 1min cumulées
Autant dire quasi rien, je vous dis, je m'étire comme un âne
. Mal de tetons: 30 min d'affilee
Quoi ça ne vous arrive jamais? Bin il devait faire froid je ne sais pas, je vous en pose des questions moi? Ah oui.
. Douleur au fondement: 3h30 cumulées
Hey! Ça va, ça passe.
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES CIBOULETTE
. 4 chutes à l'arrêt, sans casse fort heureusement
"quand l'idiot qui me grimpe dessus pendant des heures en aura marre de se niquer les chevilles et les mains, il pensera peut-être à déclipser ses chaussures automatiques quand il s'arrête"
. Remplacement d'un élastique sur fixation de sacoche de guidon
Remerciement au gentil monsieur réparateur de moto de m'en avoir fourni d'autres