CHAPITRE II
LES BALKANS
Page 01 (du 18 au 20 juillet 2014)
Ce jour marquait pour moi une nouvelle étape par le passage non pas d'une mais deux frontières et surtout par mon entrée dans les balkans, attendu tel un nouveau monde, une inconnue pour moi. L'épreuve de sortie de Trieste passée, je pus apprécier une magnifique zone industrielle et portuaire avant de dévier de la voie principale, entrer en Slovénie par un poste frontière déserté et rejoindre une piste cyclable au milieu des vignes. Je n'eus pas droit à cet agréable chemin champêtre bien longtemps et passais en Croatie par le poste principal. Les douaniers me portèrent un regard très curieux et m'assaillaient de questions, puis me laissaient filer sans trop de problème au milieu du trafic intense. Un peu plus loin je decouvrais les premiers paysages vallonnés de Croatie, le bon état des routes ainsi que les vertes contrées cultivées.
Me voila donc pour trois journées en Istrie, j'ai dis trois? Ah oui je n'en avais prévu que deux au départ mais à mon arrivée sur Pulla, j'eus le grand bonheur d'apprendre qu'il n'existait plus de liaison vers l'ile de Cres à partir d'ici. Un instant, je fus très amusé par l'agacement du guide, visiblement je n'étais pas le premier cyclo à passer par là. J'en profitai pour apprécier les vieilles arènes de la ville et quelques autres bâtiments, puis décidais d'aller un peu plus au sud pour trouver à planter ma tente sauvagement. Je savais que j'y trouverai une péninsule couverte de pin, un village et un bord de mer pour m'installer confortablement à la tombée de la nuit.
Le lendemain je m'attaquais donc à la remontée vers le nord de l'Istrie, passant par une route intérieure moins achalandée mais toujours aussi vallonnée.
La croatie est un pays de collines, après chaque bosse, une autre suit un peu plus loin, c'est, je pense, ce qui fait le charme des paysages, et explique pourquoi les croates ne sont pas à bicyclette.
Par cette route, j'atteignis Brestova, charmant village construit à flan de falaise, et réputé pour être le principal accès pour l'ile de Cres.
Allégé de quelques kunas et de quelques litres d'eau (il faisait très chaud), je m’élançais ensuite à l'ascension de l'île, avec comme objectif, la ville (village plutôt) centrale, nommée tout simplement: Cres.
Émerveillé par tant de splendeur je prenais 10 minutes en haut du col avant de redescendre sur la ville, j'en profitai pour avaler une bonne poignée de biscuits en guise de récompense. Je saluai les griffons (genre de faucons), embrassai l'air marin et tournai sur moi-même pour ne rien rater de ce spectacle.
Mon arrivée sur le village fut pour moi, une véritable belle aventure. Déjà, ne connaissant rien de ce pays, je n'imaginais pas y découvrir une architecture aussi riche. C'est ainsi que j'entamais ma première visite d'un coeur historique dans une cité croate. Le maître mot est "caillou", enfin "pierre", les nombreuses ruelles pavées cheminent au milieu des anciennes maisons forment un véritable labyrinthe où chaque intersection est synonyme de découverte. Je prendrai beaucoup de plaisir à jouer ce jeu rafraîchissant qui consiste à se glisser entre les murs de pierres taillées il y a fort longtemps.
Et il ne m'en faudra pas plus - Dans ma robe de mage noir, muni de ma fidèle lionheart, épée d'acier elfique, je suis à la recherche de l'artefact du pope Valaïris. Moi le grand homme blanc de l'ouest je parcourerai le monde des anciens pour venir te terrasser, Protzgor Dragon des montagnes!
En quête d'un sympathique hôte pour clore cette belle journée en Croatie, je n'hésitai pas à interpeller quelques autochtones, c'est finalement Dalibor qui raffla la mise. Non satisfait de ne m'offrir qu'un carré d'herbe, celui-ci me mit une chambre à disposition. Je n'en oublierai pas non plus le charmant couple italien qui, intrigué par mon arrivée dans le voisinage n'hésita pas longtemps avant de venir me parler, Listiana qui arrosait ses plantes, me proposait immédiatement une sorte de rafraîchissement" que je ne pus refuser. S'en suivi une scène pour le moins cocasse, dans laquelle je me trouvai à moitié nu, au milieu de la rue, prenant une douche, agréablement fraiche sous le regard amusé de Ricardo.
La suite des événements nous mènera entre autres, tous les trois dans un restaurant très apprécié des gourmets, où l'on peut déguster l'agneau mi sauvage présent sur l'île, un régal sans équivalent.
Séance de kinésithérapie chez l'un, petit déjeuner continental chez l'autre, une chose est sûre, cette halte me donna du courage pour rallier Mali Losinj sous la pluie intense du lendemain.
Page 02 (du 21 au 23 juillet 2014)
Je vais vous dire, pour moi, la pluie à vélo n'est pas spécialement gênante en soit, elle a même un petit avantage, bon, qu'on se mette d'accord tout de suite c'est le seul: j'avance vite, c'est à dire sans m'arrêter toutes les deux minutes, cela permet donc de rallier ma destination plus rapidement que prévue. En revanche ce qui me dérange avec la pluie ce sont principalement deux choses. Déjà il fait beaucoup plus frais, au moindre arrêt de plus de cinq minutes votre corps va se refroidir dangereusement, repartir devient alors un vrai combat physique. Il est évidemment très difficile de se restaurer correctement dans ces conditions.Ensuite, tout simplement, le mauvais temps empêche d'apprécier agréablement les paysages, et pour ce qui est de prendre des photos, il faudra repasser...
Mali Lošinj, connue pour être le refuge d'une espèce de Gecko, expose fièrement toutes sortes de collections d'objets artisanaux, à l'effigie de la petite bestiole protégée. Mais les touristes viennent avant tout ici pour apprécier les belles plages de Cres et prendre un ferry vers d'autres beautés croates. Cette fois là je rencontrai Dusan, complètement par hasard, je précise, sans chercher.
Intrigué par mon equipement, celui-ci s'était arrêté pour en analyser quelques détails. Je ne pouvais pas nier ma chance de faire cette fabuleuse rencontre avec un des seuls cyclistes de croatie, nous passerons alors le reste de la journée ensemble, à discuter, de nos projets divers. Dusan fit preuve de tant de serviabilité, de patience, j'aurais envie de dire d'amitié envers moi qu'il me sera bien difficile de retrouver pareil échange avec d'autres locaux du pays.
Journée de repos après la pluie, ceci afin d'attraper un ferry et repartir sur le continent, oú je prévoyais de m'éloigner de la côte le temps de changer un peu d'air et surtout de découvrir l'intérieur du pays. La traversée se fera en bonne compagnie d'un couple belge avec qui nous trouverons une auberge sur Zadar pour une somme tout-à-fait honnête.
Il me faudra une longue matinée pour me réveiller, me motiver et surtout prodiguer quelques bons soins à ma compagne. Mais cette étape ne sera pas spécialement marquée par ma première baisse d'entrain, elle le sera beaucoup plus par ce que je decouvris quelques kilomètres après avoir quitté la grande ville. Je quittais alors une grande route pour bifurquer dans la direction de Benkovac où je comptais y trouver refuge. Si je ne connaissais absolument rien de Benkovac, je la choisis comme ville étape pour l'unique raison qu'elle semblait bien située entre Zadar et Šibenik.
Je pense qu'il est très difficile de décrire sincèrement ce que je trouvai ce jour sur la route. Peut-être laissez vous simplement imaginer une contrée verdoyante de France, vous attrapez une petite route de campagne, passez tantôt au travers de forêts paisibles et rafraîchissantes, à peine troublées par les quelques ronrons de tracteurs, tantôt au milieu des cultures. Vous approchez alors de constructions, votre oeil se concentre sur un bâtiment (je vous rappelle que vous êtes à vélo, laissez vous le temps d'arriver à destination). Soudain, votre coeur se fige, le temps s'est arrêté depuis longtemps ici et le votre s'arrête un instant pour observer ce que de bâtiment vous ne trouvez que des ruines. Vous voilà transporté dans un monde de désolation ou l'inhumanité a démontré toute sa puissance. Hum! J'ai parlé "d'inhumanité"? Pour être franc, je crois au contraire qu'il n'y a malheureusement que les hommes pour être capable de produire une telle horreur. Je reprends. Cherchez du regard une âme qui vive ici, mais cherchez bien, il y a bien ceux qui veulent aller de l'avant et ceux qui n'ont pas le choix, mais la réalité est que très peu de croates sont revenus après les affrontements ici et partout ailleurs. Je me demande o combien il doit être difficile de rentrer sur les lieux qui ont vu disparaitre vos frères, afin de nettoyer, trier, déblayer et reconstruire. Quelqu'un m'a dit un jour qu'on ne connait rien de l'enfer de la guerre tant qu'on n'y a jamais été confronté, le poids de ces mots ne m'a jamais paru aussi lourd qu'à mon arrivée ici.
Ok, mais qu'en est-il de Benkovac? Et bien, les nombreuses boutiques fermées donnent une impression de ville semi-fantome, seuls quelques terrasses de café semblent indiquer qu'une population vit ici. Un rapide tour sur la rue piétonne au coeur de ville, je suis seul, je ne m'y sens pas très bien. Il faudra les paroles incompréhensibles mais non moins motivantes d'un papi pour me redonner le sourire alors que je grignotais mon dernier morceau de chocolat suisse, qui par chance n'avait pas complètement fondu (je suis un ours mais je sais aussi me montrer économe à certaines occasions).
Les idées claires, il me paru évident qu'une nuit ici me plongerait un peu plus dans un état de nostalgie. Si je ne fus pas déçu de cette journée qui, bien au contraire, m'a fait prendre conscience de certaines choses et même en apprécier d'autres, je préférais rejoindre la côte et avancer vers Šibenik.
Page 03 (du 24 au 27 juillet 2014)
Définitivement les villes ne sont pas adaptées aux cyclistes en Croatie. Bien souvent, pour y entrer (et en sortir, cela va de soi) il n'y a pas beaucoup d'autres solutions que de rouler en compagnie des voitures, sur les 2x2 voies et avaler quelques bonnes particules. Mais le bonheur des villes croates n'est pas là et Cres avait été un avant goût de ce qui m'attendait un peu plus au sud. Je commençais par Sibenik puis poursuivais vers Split d'où je pris un bateau pour une nouvelle île: Vela Luka. Une gargantuesque pizza avalée en compagnie d'un couple cyclo slovène et voilà de quoi apprécier sereinement les jolis paysages vallonnés.
Oui, il semblerait que je porte des gènes d'ours. Déjà en temps normal, je suis toujours affamé, pousser Ciboulette me demande une source d'énergie encore plus importante. Peut-être devrai-je songer à remplacer la sacoche "nourriture" par une plus grande.
La ville de Korcula fut peut-être l'un de mes meilleurs souvenirs de Croatie. Comme je vous le disais, les vieilles villes sont d'une richesse extraordinaire ici et se perdre dans leurs ruelles est un grand plaisir propulsé par l'impossibilité d'y circuler autrement qu'à pied. Les intersections sont autant d'occasion de voir ou passer à côté d'un détail intéressant, d'une vue sur la mer, d'une église.
Je ne boudai pas non plus de faire une petite marche le long du port d'où j'observais d'un oeil indiscret l'intérieur des deux petits yachts amarres ici.
Ce soir là, une expérience inédite m'attendait. Alors que je négociais un carré de béton dans une cour d'une maison légèrement excentrée de la ville, je fus tout d'abord étonnamment bien accueilli. La famille sollicitée, alors très intéressée par mon aventure, m'invite à boire un thé, me fournit de quoi me laver et passe quelques dizaines de minutes à me questionner. La suite se révélera plutôt surprenante et j'eus rapidement la nette sensation de déranger... Cela débuta lorsque je les interrogeais sur leur intention pour le repas du soir.
- Fais ce que tu veux ne te préoccupe pas de nous.
Ou encore.
- Non, non, nous ne connaissons pas de bonne adresse, tous les restaurants sont bien.
Puis un peu plus tard, voyant le fiston sur internet, de demander où je pouvais trouver une connexion.
- Dans n'importe quel bar.
Faux, j'avais testé en arrivant, les 3 cafés sollicités n'en disposaient pas...
- J'aimerais vous remercier de m'accueillir en vous payant un verre. Lançais-je
- Non merci, je vais rester ici.
Eheh, je sais à ce niveau ça s'appelle du masochisme mais que voulez-vous j'ai peut-être reçu une éducation trop respectueuse.
Rideaux qui se ferment brutalement à mon retour le soir, même cinéma à mon réveil. N'y croyant plus, je pliai bagages discrètement et reçu finalement un magnifique "good bye" au moment de mettre mon premier coup de pédale. Cela ne me surprit pas autant que la phrase qui suivit.
- Reviens quand tu veux, l'été prochain par exemple.
-... thanks, good bye
Un peu déçu de n'avoir eu meilleur contact avec cette famille, je me bâtis deux ou trois hypothèses.
1) ils attendaient de moi un peu de monnaie.
2) j'ai dit quelque chose qui ne leur a pas plu.
3) je n'ai rien compris, ils étaient contents de m'avoir là pour une nuit mais cela ne fait pas de moi un membre de la famille pour autant.
Toujours est-il que pour cette fois, je me satisferai d'avoir eu un emplacement gratuit.
Ce jour, j'entrais dans une des regions viticoles les plus réputées de Croatie, des cultures à perte de vue et des villages abritant les meilleurs producteurs, je regrettai d'être en solitaire, sous la pluie et non en pleine dégustation locale.
Je disais sous la pluie...la tempête en fait comme en témoigne la photo. Je visai la ville de Ston pour cette étape qui me menait tout d'abord sur une belle route côtière. C'est alors que fonçant tête baissée et pestant (un peu) contre le vent qui genait mon ascension, je vis fort soudainement, une tâche brunâtre faire son apparition au loin. Un nouveau COMBO en préparation et ce, juste pour moi. La tornade formée au dessus de l'eau un peu plus bas, ne me posa pas plus de problème que je n'en avais déjà. C'est-à-dire que je ne saurais préciser si c'etait la pluie qui tombait à l'horizontale ou la côte très raide (surement un mélange des deux) mais seul face aux éléments qui se déchaînaient je devais faire abstraction de toute forme de raisonnement logique pour continuer mon avancée.
C'est suite à cette épopée que j'en tirai un premier enseignement, quoiqu'il arrive, cela pourrait toujours aller pire. Et il me suffit d'imaginer un petit ennui mécanique, une crevaison par exemple, pour relativiser mon soi-disant "calvaire".
Et c'est dans la soirée qui suivit qu'un autre enseignement me vint à l'esprit. Celui-ci relève sûrement plus de la croyance et beaucoup moins de la philosophie mais il me plait d'y prêter une certaine importance. En effet il semblerait que le passage d'une épreuve particulière soit annonciateur d'un "cadeau du ciel". Cette fois-là cela se materialisa par ma rencontre exceptionnelle avec Miro et Tadashi.
Je ne saurais dire quelle motivation nous a menés à faire ce choix mais toujours est-il que ni le japonais ni moi-même ne nous étions dirigés vers le camping touristique conseillé par l'office de tourisme de Ston.
Nous nous croisions alors une première fois sur la route, sans échanger ne serait-ce qu'un regard, puis ce fut muni d'un grand sourire que j'accueillis le courageux marcheur à notre destination. Nous étions arrivés ici, dans un petit camping de village boudé des touristes, et découvrions ensemble ce qui nous semblera être un véritable havre de paix. En quelques minutes et sans que l'on comprenne la moitié de ce qui allait nous arriver, nous étions pris sous l'aile de Miro et amenés dans son mobile-home. Nous découvrions alors notre abri pour la nuit et recevions des rondelles de citron marinées en guise de bienvenue. Ce sympathique personnage de presque 70ans est un habitué ici, il a son emplacement à l'année et donc de bons arguments pour imposer ses souhaits.
Mais le plus émouvant nous apparut lorsque Miro, interrogé sur le nom porté par son beau velo tout terrain, nous raconta comment il avait perdu son fils à la guerre. Un fils de 23ans, un gamin, avec un fusil. L'homme, d'un ton sévère nous expliqua ne s'en etre jamais remis et avoir créé une association pour venir en aide aux enfants touchés par les nombreuses mines anti-personnel qui restent disséminées un peu partout. Nous pouvions capter toute la tristesse de ce père de famille aux frissons qui nous parcouraient. Finalement, il semblerait que nous ne soyons pas tous nés sous la même étoile.
De quoi je me plaignais déjà?
Du reste, nous passerons une agréable soirée à papoter d'autres choses, de voyages, de nos familles, autour d'une bière puis d'un verre de Rakija, admirant la beauté du site de bord de mer.
Page 04 (le 28 juillet 2014)
Dubrovnik, dernière étape en Croatie, je m'offrais une agréable auberge de jeunesse et prenais quelques heures pour visiter la vieille ville.
Comme il est impossible de circuler à vélo, je confie Ciboulette à Lukra, la sympathique jeune demoiselle du point info touriste avec qui je ne me lassai pas de discuter. Finalement je lui laisserai mon adresse de blog et elle me laissera en retour la moitié de son lunch et son plus beau sourire.
Pour ceux qui suivent la série, sachez que Dubrovnik et ses environs sont autant de lieux de tournage de Game of thrones. Et je peux le confirmer, entrer dans cette cité construite au 7e siècle vous fait immédiatement remonter le temps, vous êtes alors transporté au moyen âge. Vous vous rappelez...
Protzgor le Dagon! Et bien, je devais rencontrer le roi ce jour-là, il voulait m'aider dans ma quête. Cet ennemi commun doit être pourfendu, pour le bien de la population, des élevages mais surtout pour ne pas compromettre sa souveraineté. Les puissants devant protection envers les plus faibles en échange de leurs services, c'est la règle, celui-ci a trouvé en moi la bonne occasion de faire taire les mauvaises rumeurs. Il me fait confiance, il eut vent de mon exploit à la porte incandescente, dont je suis le seul humain à avoir pu en franchir le linteau. Personne ne sort de ce monastère, c'est un lieu placé sous protection divine, réservé à la formation aux arts de combat dantesques. Ici, vivent en total autarcie, les moines Brefelistes, les combattants des dieux. Leur apprentissage n'a qu'un but, protéger la terre, repoussant ou du moins limitant les colères destructives de Zeirys, dieu maudit.
Si elles apparaissent bien dans les récits d'aventures, aucun homme vivant ne peut estimer la réelle probabilité d'une attaque de Zeyris, pour autant les Brefelistes, ont bel et bien la maîtrise d'un art martial ancestral qu'aucune épée ne peut surpasser. Il en va donc de l'équilibre des forces sur terre de garder ce savoir loin de tout contact extérieur.
La légende raconte qu'il aurait été repoussé par les hommes au début de l'ère médian, priants alors pour son bannissement. Zeirys se serait accouplé avec la princesse Aerlya, engendrant le premier dragon, mi bête-mi dieu, à la fois insoumis, conscient et doté de pouvoirs destructeurs inégalables.
Cette histoire semble exister pour justifier de la crainte des hommes envers les dragons, les écrits des dieux n'en parlent pas, ces êtres y sont décrits comme pacifistes, égaux aux hommes et surtout indispensables au bon équilibre du règne animal. Mais dans les faits, les hommes n'aiment pas les dragons, car en plus d'être craints, ceux-ci dérapent régulièrement, anéantissant chaque années des hectares de cultures, de vergers pour leur consommation.
Finalement je repartirai de la cité mère accompagné de Feudil, prince chevauchant, fils de Doril, roi des poneys. Une lignée à l'agilité et la puissance sans équivalence dans les montagnes de l'est, lui, est un peu jeune, un peu fougueux, nous allons devoir apprendre à travailler ensemble, nous connaître, ne faire qu'un. Dorénavant sa destinée est, au même titre que mes compétences, que mon épée, liée à la mienne!
Page 05 (les 29 et 30 juillet 2014)
Je quittai maintenant la Croatie et poursuivai au Monténégro, le changement de pays se fit en douceur, les paysages côtiers sont très similaires. Arriva alors la première ville, oú je pus sentir la nette différence de niveau de vie. Je m'arretai pour prendre un petit encas:
- 1 euro 50 s'il vous plait, entendis-je
Mon estomac et moi repartions tout sourire après cette petite pause bienvenue.
Le soir même je répétais ce qui avait bien fonctionné plus tôt à Ston, je trouvais un petit camping municipal. Cette fois-ci pas de fabuleuse rencontre mais une reposante pause plage d'où Ciboulette se fit gentillement virer. Apparemment les vélos ne sont pas autorisés sur le sable. Vous n'imaginez pas que je puisse laisser ma compagne à plus de 50m, toute seule! Un peu frustré je parti en quête d'un gros souper. Je ne fus pas déçu en repartant avec mon sandwich king size accompagné d'une excellente crêpe, dont le poids et la taille se rapprochaient étonnamment plus de ceux d'une pizza.
Pressé d'atteindre l'Albanie, je ne m'attardai pas sur la route et avançai à bonne allure. Je rattrapais un premier couple de cyclo mais une averse gêna notre entrevue, je les laissais donc un peu précipitamment. C'est un peu plus loin, dans une belle côte, alors que le soleil faisait de nouveau surface, que je trouvai Kazim, un cyclo turc de 26 ans qui avait pris quelques jours pour ralier L'Albanie depuis l'Autriche. L'homme poussait sa bête qui semblait avoir un sérieux problème sur le moyeu arrière. Nous échangeons nos coordonnées et je promis de lui faire signe à mon arrivée sur Istanbul.
Heureux comme un chat jouant avec sa pelote, j'appréciais la belle descente en lacet qui suivit, traversais Bar, en profitais pour approcher ma 1ère mosquée et me fit rattraper par une fine pluie faisant agréablement chuter le mercure.
C'est à ce moment que le COMBO magistral entre en scène. Je vous préviens, l'histoire est assez longue. Pour commencer je degustai une belle glissade dans un rond point, vous savez, à la manière des motards sur circuit, un coup de patin, la roue avant qui perd son adhérence et paf !
J'aurais bien essayé de me battre mais étant trop prudent, je laissai filer ce gros bus pleins de touristes bien gras qui venait de me couper le priorité. Ce qui m'a profondément marqué, moi le jeune aventurier souriant la vie, n'est pas tant la chute en elle-même mais bien plus le comportement antipathique du monde m'entourant. Tout d'abord, la voiture qui venait de tenter de me grimper dessus m'envoyait de belles paroles, accompagnées de gestes évocateurs me priant de bien vouloir dégager rapidement le terrain. Les klaxons tout autour ne demandaient pas mieux, les deux roues motorisés esquivaient Ciboulette et les sacoches distribuées à droite à gauche, les piétons eux, poursuivaient leur intéressante analyse de la composition du sol qu'ils foulaient.
Je me contentai de savourer d'être toujours en une seule pièce, me relevai et rassemblai mes choses en un instant. Une grande sensation de solitude me piqua le nez, je mis alors dix bonnes minutes à rassembler mes pensées cette fois.
La pluie ne cessa pas immédiatement me motivant à ne pas rester plus longtemps ici.
Je restais confus et mes pensées n'étaient pas là pour surveiller l'itinéraire, c'est donc tout logiquement que je m'écarta de ma route pour une dizaine de kilomètres, en descente. Un dessin ne vous sera pas plus utile pour comprendre qu'une route qui descend dans un sens, remonte dans un autre, je prenai alors quelques secondes pour trouver un "raccourci".
Un homme, sortant de nul part, en fait il sortait de son hotel mais il arriva sur moi tellement rapidement que j'en fut surpris, s'écria:
- salut l'étranger as-tu besoin d'aide?
Il etait aussi grand que maigre et cette première phrase semblait tout à fait honnête. Mais à l'instant où son petit compagnon d'une douzaine d'année agrippa ciboulette, je compris que je n'étais pas plus un gentil voyageur solitaire qu'un porte-monnaie à roulettes. La discussion tourna vite au vin vinaigré, l'homme demandait de l'argent contre les bons conseils fournis, à savoir où trouver l'office de tourisme. Oui vous comptez bien, il n'y eu qu'un renseignement fourni et ce sans la moindre requête de ma part. Je m'empressais de le remercier, donnais un bon coup de pédale et filait plus loin, toujours plus triste.
Le "raccourci" que je décidai de prendre me mena rapidement à descendre de bicyclette pour l'accompagner à pied dans cette côte fort raide. Dans un premier temps il me fut très difficile d'apprécier la beauté de la vue qui se découvrait derrière moi. Petit à petit la route se faisant moins pentue, je remontais en selle, c'est à partir de là que je pris conscience du dénivelé réalisé et commençai à savourer le paysage côtier depuis ma petite montagne. C'est aussi à partir de là que je mis un terme au combo. Arrivé à un petit village, un banc m’accueillit très simplement afin de prendre quelques minutes de répit. Un homme un peu curieux mais fort appréciable vint me démontrer qu'il n'est pas que des hommes malhonnête en ces terres. La suite de ma route au Monténégro n'en fut que plus agréable, je découvrais les charmants paysages de campagne aux couleurs verts pâles, parfois un peu grillé par le soleil, ne manquant de faire signe aux ânes et aux boeufs croisés.
En quelques heures j'arrivais à la frontière albanaise, j'oserais dire enfin! Il apparaîtra plus tard que j'ai finalement manqué la plus belle et accueillante partie du Monténégro. Voyager à vélo, seul et sans consulter de guide, c'est aussi risquer de passer à côté de merveilleuses choses. Barf, "je reviendrai" comme dirait l'autre!
Mon entrée en Albanie fut des plus marquantes, à mesure que j’avançais, je mesurais le grand écart de moyens entre un pays comme la France et celui-ci.
D'abord de par l'état déplorable des routes puis de par l'omniprésence de constructions inachevées. C'est encore une fois assez difficile de décrire les sentiments qui viennent à ce moment là. Quoi qu'il en soit si je ne pouvais pas rester indifférent en croisant cette charrette familiale tirée par un âne, je m'apercevais assez rapidement qu'il n'est pas besoin de voitures climatisées pour savoir sourire.
Après cette éprouvante journée, je trouvai mon auberge de jeunesse un peu excentrée de Shkodër, autour se trouvaient des champs, des déchets, quelques vieilles maisons peu aguichantes. Rien qui ne donne vraiment envie de pousser plus loin la curiosité puis je longeai un mur de pierre, me postai devant une grande porte métallique, dans un grincement strident j'en poussai la portillon et entrai, dans un petit paradis.
Page 06 (du 31 juillet au 02 août 2014)
J'aurais pu rester un moment dans cette charmante maison de bonne famille où je pus déguster quelques traditionnels mets albanais. Peut-être les produits locaux biologiques y seront pour quelque chose mais toujours est-il que je repartais de là en grande forme.
Une longue route ennuyeuse à mourir m'attendait pour atteindre Tirana mais cette étape me réservait toutefois une bonne surprise. Tout juste après une pause casse-croûte, je dépassais un homme à scooter qui en profita pour coller ma roue. Parcourant ainsi quelques centaines de mètres, il vint finalement à ma hauteur et articula quelque chose dans un mélange d'albanais et d'italien, accompagné de quelques gestes, je compris qu'il m'invitait à boire une bière.
Un homme fort sympathique, ancien manager cycliste qui restera comme bluffé par mon parcours.
Je testais ensuite une autoroute en plaine albanaise, qui je dois l'avouer fut plus confortable et sécuritaire que d'autres. J'avalais ainsi les kilomètres sans trop prêter attention aux paysages, puis entrais à Tirana. Ma conduite là-bas ne fut pas plus effrayante qu'à mon arrivée sur Shkodër, je dirais même que je commençais à maîtriser mon sujet, je ne redoutais plus ni les curieux comportements de l'asphalte, ni les usagers à contre-sens. Cela nécessite toutefois une certaine attention, il n'est pas question de rester le nez en l'air plus d'une poignée de secondes.
L'auberge de jeunesse choisie dans la capitale fut une abondance de rencontres, je séjournais donc deux jours en compagnie de voyageurs du monde entier, enfin du monde anglophone. Anglais, irlandais, néo-zélandais, australiens m'ont clairement fait prendre conscience de mon faible niveau linguistique. Je passais toutefois de bons moments en leur compagnie, chacun faisant tour à tour l'effort de me parler très simplement, un peu comme on le ferait avec un gros bébé de 70kg.
C'est lors de notre sortie tardive que Neljana, toute aussi jolie et petite que son diminutif "Nela", fut conviée à se joindre à notre groupe par une de ses connaissances. Nela est albanaise, elle vit et travaille sur Tirana, sa trentaine d'années pourrait tout aussi bien n'être que vingt-cinq à quelques détails que vous ne pouvez découvrir qu'en discutant avec elle. Oui, il suffit d'échanger quelques paroles, dans son anglais quasi impeccable, pour vous rendre compte à quel point la jeune femme sait apprécier chaque moment, chaque personne à sa juste valeur.
Attendez une minute, une demoiselle belle comme une fleur de printemps, pratiquant le yoga, joyeuse à toute heure et qui a une bonne estime d'elle même tout en étant humble et abordable...ce serait...une alien venue d'une lointaine galaxie pour partager ses gènes et ainsi semer du bonheur sur notre planète?
C'est donc tout naturellement que je me retrouvai à passer un sympathique moment en sa compagnie avant de quitter la capitale.
Un premier réveil à 4h30 me faisait découvrir l'appel à la prière par un muezzin à la voix particulièrement douce. Ce chant résonnera en moi comme quelque chose emplie de beauté et d'apaisement. Je prenais le temps d'apprécier ce moment porté par une forte émotion aussi indescriptible qu'inexplicable puis m'endormais pour quelques heures supplémentaires.
Le jour suivant, un peu frustré de ne côtoyer que asphalte et particules, je boudais le nouveau tunnel de la voie principale pour attraper l'ancienne route, celle du col.
Et j'en suis maintenant convaincu, à bicylette, la chance d'être sur une belle route augmente bel et bien avec son élévation. Seul sur cette voie, j'admirais avec une profonde émotion les montagnes qui s'étendaient dans le lointain. Après tout, maintenant que je suis rodé, je grimpe suffisamment vite et bien pour me laisser du temps en haut. J'imaginais ce qui deviendra une habitude par la suite: prendre quelques photos scénarisées, méditer un instant puis lancer une musique qui m'inspire pour continuer mon chemin.
Une belle descente, une belle vue sur les plaines agricoles, puis les usines d'Elbasan crachant leur charbon depuis la centaine de tubes de briques.
Si cette ville étape ne sera pas mémorable pour sa visite elle le sera en revanche pour l'accueil qui j'y trouvai chez Griselda.
Contactée le matin même grâce à un guide de la guesthouse, cette enseignante francophone récemment diplômée m’emmènera chez ses parents où je fus reçu comme leur dernier fiston. Griselda a beaucoup aimé la France lors de son premier séjour là-bas, elle en est revenue émerveillée et projette d'y venir travailler. Et si son français demande encore de petites corrections, son incontestable détermination sera sans aucun doute le moteur de sa réussite.
Page 07 (les 03 et 04 août 2014)
Laissant derrière moi les plus importantes villes du pays, j’avançais quasi seul sur la route du col du lac d'Orhid. Et là vous vous dites, encore un col? C'est-à-dire que l'albanie est couverte à 70% de montagnes donc pour joindre la Grèce, il faut faire quelques efforts mais rassurez-vous rien d'insurmontable, même sous 40°C.
Mon souvenir de l'ascension sera plus porté par le nombre incalculable de gens m'interpellant que par le paysage. En effet, le long de la route, des dizaines de services de lavage automobile sont proposées, il faudra attendre l'arrivée le long du lac pour comprendre pourquoi.
Longeant la côte albanaise de ce lac partagé avec la macédoine, j'appréciais tranquillement cette belle route fraîchement bitumée. Mais rapidement ce bonheur se transforma en cauchemar lorsque je vis le panneau "début de travaux". A partir de ce moment et pendant une vingtaine de kilomètre la route n'était qu'un horrible chemin de terre et cailloux, où les crevasses alternaient avec quelques vieilles plaques de goudron. Ajoutez à cela l'écran de poussière généré par le trafic et on devrait êtes proche d'obtenir un combo.
C'est donc tout vilain et humide mais avec deux fois plus de plaisir que j'arrivais sur Pogradec, ville balnéaire sur le lac où je devais rencontrer Klevis, un homme plein de belles expériences et polyglotte. Nous passerons l'après-midi sur la plage avec ses amis, à déguster les bières locales et échanger sur nos parcours. La soirée se finira à la beach party où se produisit une chanteuse des années 80 très renommée, je ne me sentirai pas tout de suite à ma place mais malgré la fatigue, la bonne humeur du groupe me sera finalement communiquée de belle manière.
Pour ma dernière étape en Albanie, je choisissais au dernier moment de changer de trajectoire, une route moins empruntée, plus directe vers la sortie du territoire et le passage à proximité d'un petit lac, voilà autant de facteurs qui guideront mon choix. J'eus alors l'occasion d'y prendre une de mes photos favorite, un chardon en fleur au premier plan, l'étendue d'eau perdue au milieu des terres arides, un troupeau de moutons sur son chemin, puis une chaine de montagnes verdoyantes au fond. Aussi, je garderai probablement les plus beaux souvenirs de rencontres d'enfants, tous intrigués par mon passage, tous accourant autour de moi, les yeux grands ouverts et les mains gentillement baladeuses sur Ciboulette.
En fin de journée, 20 kilomètres avant la Grèce, je m'égarai dans un chemin pour y trouver un hôtel. Mais d'hôtel je ne vi qu'un parking de terre récemment labourée, une grande maison à moitié en ruine, à moitié en construction et trois ou quatre chats pour l'accueil. Je n'insistai pas plus longtemps et allai chercher un peu plus après quelques chose de plus décent. Sur place, la mission négociation de mes derniers lek ne fut pas évidente mais pour une somme tout-à-fait dérisoire j'obtins quand même une belle chambre très propre, un dîner sain et bien garni et un petit déjeuner complet parfaitement adapté à la belle journée de vélo qui m'attendait. Le voyage c'est donc aussi ça, échanger des gestes, des mots, faire comprendre qu'on n'est pas un simple touriste les poches bondées. Et cette fois-ci sera encore une fois une belle preuve que l'argent ne fait pas tout ici bas. Seul client de ce grand et agréable hôtel, je réussirai à attirer la sympathie du patron qui accédera finalement à ma demande, comme honoré de m'avoir sous son toit.
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On m'avait prévenu de le présence de chiens errants gros comme des ours en Grèce mais je n'aurais pas imaginé qu'ils allaient m'accueillir quelques kilomètres seulement après la frontière. Par chance j'eus le temps d'apprécier de loin leur spectacle son et lumière, tournant, grognant, sautant et aboyant autour des voitures de passage. Un motard lui, un habitué pour sûr, avait une bonne technique, ralentir puis accélérer plein gaz à l'approche des animaux affamés. Mais même le ventre vide, vous n'imaginez pas la vitesse à laquelle peuvent courir ces clébards, je ne me risquais donc pas à faire de même. Je m'avançai doucement me répétant que tout irait bien, les moustaches frissonnantes je posai pied à terre, Ciboulette tenue fermement d'une main, le bâton de l'autre, les bêtes eurent vite fait de me repérer.
S'en suivi alors un véritable combat de voix où chacun essayait de faire plus de bruit que l'autre. Je ne dirai avoir eu le dessus mais toujours est-il que la meute resta à petite distance, pour un temps. Car, une demi seconde d’inattention eut suffi, avançant de quelques mètres, l'un d'eux se jeta sur ma chère et tendre pour lui en gouter l'arrière train. Je ne pus rien faire que de voir la pauvre Ciboulette s'écrouler à terre, comme un triste cheval français abattu sur les plaines d'Abraham. Par chance le mouvement de ma lourde bête effraya les assaillants nous laissant ainsi l'opportunité de filer.
J'eus besoin de plusieurs minutes pour me remettre de mes émotions et ce ne sont ni les panneaux "attention présence d'ours", ni le 38 tonnes échoué dans le ravin qui m'y aideront, mais un charmant monsieur. Alors que je m’arrêtais un instant à un croisement au milieu de nulle part, il arriva sur moi en un éclair et s'enquit de mon itinéraire. Ce premier contact m'inspira beaucoup de sympathie envers le peuple grec et j'ignorais encore que cette scène se répéterait dix fois par jour.
Après une rapide visite de Kastoria, je décidai de prendre un peu d'avance sur la prochaine étape qui promettait une petite montagne. Flânant dans le petit village de Lithia, de tout juste trois cent habitants, évitant tant que possible les vilains toutous, j'abordai Elena, une jeune mère de deux beaux enfants qui s'activait dans son jardin. Telle une bonne étoile celle-ci me viendra en aide éclairant mon chemin. C'est autour d'un café frappé, qu'elle commençera par s'excuser de ne pouvoir m'accueillir ce soir là. Elle m'indiquera néanmoins l'adresse assez curieuse d'un bar dominant le village un peu plus haut, où je devrais y trouver "une bande de jeunes gens très sympathiques". Il me suffirait de m'y présenter très simplement pour y trouver une place de camping gratuite, avec eau et lumière mais surtout loin des meutes de chiens errants, contrairement à chez elle. La description faite me laissait à la fois songeur mais intrigué, "un petit village avec un squat de jeunes, que peuvent-ils bien venir faire ici?". Non satisfaite de sa participation, elle s’éclipsa quelques minutes puis me revint avec un sac rempli de provisions. Je repartis avec fruits, légumes, biscuits, jus de fruit, pain, de quoi faire un bon repas.
Quelques mètres plus haut, je posai ma bécane à côté d'une jolie Yamaha. J'étais arrivé au Rido, un bar fermé quelques années plus tôt qui a récemment été mis à la disposition de jeunes gens. Un lieu magique, d'abord de par sa disposition et ses commodités. Surplombant la vallée et offrant une vue magnifique sur Kastoria et son lac, la terrasse magnifiée de sa coquette pergola est sans nul doute ce qui fait le charme de ce squat. Le bâtiment, proposant une grande salle encore meublée et une cuisine professionnelle en état, n'est pas désagréable bien que montrant quelques inquiétants signes de fatigue dus à l'absence d'entretien. Il ne manquait pas même la sono qui envoyait du son populaire grec.
Le contact avec un premier groupe de cinq fût d'une simplicité déconcertante, un peu comme si ils s'attendaient à me voir débarquer. Je fus instantanément invité à prendre mon second frappé à leurs côtés, me plaçant ainsi au centre des discussions. A mesure de mon initiation au sein du Rido, je vis s'ajouter d'autres personnes, nous étions bientôt une bonne douzaine à nous mettre à table. La soirée se poursuivra de fort belle manière autour d'un diner préparé sur place par les filles du groupe. C'est un peu plus tard dans la nuit que je dégusterai mon premier verre de Tsipuro, et vite après, mon second. Il n'en fallut pas plus pour que je sois totalement admis au point qu'ils insistèrent pour me voir rester une journée supplémentaire.
Finalement je regardai la tempête se lever pendant la nuit depuis l'intérieur du bâtiment, ce qui restait autrement plus confortable que depuis ma tente.
Le lendemain je restai la matinée au calme, à me reposer et appréciai d'être au sec plutôt que sur mon biclou. Puis, dès le début d'après-midi, le soleil ayant fait son apparition, j'eus droit à une répétition de la veille, chacun faisant tour à tour son maximum pour me mettre à l'aise et s'assurer que je dispose du nécessaire.
Au déjeuner on me fit porter pas moins de cinq assiettes de spécialités grecques prétextant qu'il me faudrait beaucoup de force pour aborder sereinement le col de Kleissoura. Quelques conseils bien avisés sur la manière de négocier avec le meilleur ami de l'homme, quelques autres plus douteux pour négocier avec les femmes du pays, furent distribués de ci, de là, puis vint le temps de les remercier.
Je quittai ce lieu avec en tête, la preuve flagrante qu'il existe bonté, amitié, et joie dans le cœur de chacun.
Content d'être de nouveau sur les routes, je grimpai sans peine ce petit col qui m'offrit une belle vue sur les deux vallées, posant de temps à autre quelques regards insistants dans la forêt afin d'observer quelques ours sans succès. Je me dirigeai ensuite vers Edessa, où m'attendait, une fois de plus, une heureuse rencontre. Dans un premier temps j'écoutai attentivement les informations de la conseillère de l'office de tourisme qui en plus de me proposer un lieu de camping gratuit, fort bien accommodé, m'indiqua où trouver un lunch à bon prix. Et ainsi, le ventre vide, flairant les nombreuses odeurs de sandwich grec à forte valeur énergétique, je zonai dans les rues piétonnes du centre. Ciboulette, ennuyée de tourner en rond fit halte net à un croisement et, comme instinctivement attirée par ses compères, me mena tout droit sur Marie et David. Ces deux là sont bretons et leurs montures l'affichent bien fièrement à voir leurs petits étendards. Partis bien avant moi, mais de bien plus loin, ils ont eu aussi planifiés un itinéraire en Asie. Nos chemins se croisent logiquement ici en Grèce mais pourraient sans nul doute se recroiser un peu plus tard au Cambodge ou même en Mongolie.
Excité et heureux comme un chiot retrouvant son maître, je ne les lâchai plus, les harcelai de questions puis leur proposai de me suivre pour la nuit. L'idée et le bonhomme leur parurent intéressants alors nous attrapâmes quelques bières et partîmes vers le spot en question. Un peu excentré de la ville, nous découvrions un petit parc à pic nic à peine boisé accompagnant un théâtre grec et une église orthodoxe. Tout le nécessaire était là, nous aurons ainsi une très agréable soirée à échanger nos expériences, nos projets, à peine perturbée par une petite pluie.
Les chiens, encore eux, roderont gentiment autour de nos tentes comme pour surveiller une éventuelle agression, où alors est-ce simplement pour trouver à manger, cette parade durera jusqu'à ce qu'une guerre de clans éclate. Nous aurons le plaisir d'écouter nos protecteurs une bonne partie de la nuit, mais du moins, le gang des méchants restera à distance.
Le jour suivant, leur compagnie égayera une longue et ennuyeuse étape jusque Thessalonique où nous prendrons toutefois le temps de sortir boire une bonne bière pour récupérer, c'est important.
Page 09 (du 09 au 12 août 2014)
Et me voilà tout sourire, premier lever, m'en allant quérir quelque petit déjeuner pour mes adorables compagnons. Nous manquions presque de nous étouffer avec les biscuits ainsi portés et je me persuadais que l'intention est plus importante que le résultat. Une petite photo de famille et me voilà parti pour une très courte visite en ville. Des bâtiments plutôt coquets, d'autres moins, des grosses statues mais aussi de plus raisonnables, je n'insistai pas beaucoup plus par peur d'être en retard sur mon programme, d'autant dirons nous que j'ai bâclé le travail et je le confesserai.
Il aurait été trop facile de quitter cette grande cité par la voie nationale, je choisissais alors un raccourci par une jolie petite montagne. Un kilomètre à douze pour cent, je n'étais pas si loin de rendre les petits gâteaux lorsque j'atteignis un point haut de la ville qui me fournit tout de même une vue exceptionnelle. Je recouvrai alors mon souffle, comptai sur un étouffe chrétien supplémentaire pour m'aider à faire passer les autres et poursuivis l'ascension. Passant d'abord par une colline presque couverte de pin à l'odeur si agréable je rejoignis la route principale, traversai ensuite de petits villages puis tins compagnie à un jeune bâtard le temps d'un encas, avant de redescendre paisiblement sur le lac au nord de la ville.
Arrivé à Asprovalta, je commandai un frappé à un beach bar et négociai de piquer la tente par là, ce qui me permit de profiter de l'exceptionnelle douceur de la mer Égée. Par la même occasion, le temps d'un nouvel encas, je tins compagnie à une charmante demoiselle, cette fois-ci.
Le jour suivant me fit passer par de petites routes vallonnées à flan de montagnes, ceci afin d'éviter la nouvelle voie nationale de bord de mer. Un trajet très agréable sous un soleil piquant, bien que rien de vraiment marquant. Il me revient toutefois le goût agréablement doux et sucré des figues collectées sur le bord de route, la vue dégagée sur la plaine agricole et la satisfaisante sensation d'avoir emprunté le bon itinéraire.
Deux courtes heures me seront suffisantes pour visiter Kavala qui se montrera relativement impraticable pour Ciboulette. En cause, les pavés mais surtout les pentes raides entrecoupées d'escaliers transformeront une sympathique promenade touristique en une fatigante quête à la sortie.
Un peu plus loin, je réitérai la technique de la veille et m'installai à quelques mètres d'un bar où l'on m'offrit un rafraîchissement et une nouvelle compagne pour la soirée. Et de vous confier à quel point il est déroutant de se rendre compte que l'association un peu folle d'un bonhomme et son biclou pour une aventure à travers le monde vous place immédiatement dans la catégorie "mecs intéressants".
Il me faudra attendre le lendemain, soit quatre jours après Edessa pour m'émerveiller à nouveau devant les beautés que peut offrir la nature, mais tout d'abord, c'est en fin de matinée que je gagnai la jolie ville de Xanthi. Et non satisfait d'en parcourir l'agréable vieille citée à l'architecture intéressante, je m'installai à un café dans l'attente d'une lanterne pour éclairer la suite de mon chemin. Celle-ci arriva tout naturellement par le patron enchanté de faire ma connaissance. Nous resterons à discuter un moment autour du déjeuner qu'il m'offrit puis celui-ci m'indiqua un ambitieux parcours: un port, une lagune, une église sur une île et enfin une belle plage. Et la lumière fut!
Comme un ange-gardien, il me laissera partir uniquement après avoir glissé dans mes sacoches une crème, un spray pour lutter contre les moustiques et un "be carefull on the road my friend".
Le trajet pour joindre la plage fut bien au dessus de mes espérances, le passage au milieu des marais et autres tourbières me combla de bonheur et de quiétude. Si je pus y observer de nombreuses espèces d'oiseaux, en revanche le combat pour les capturer en instantané se révéla peine perdue. Finalement, j'insistai un peu pour emporter ciboulette et tout le packetage dans le sable, préparai un diner chaud au feu de bois et appréciai un peu de repos depuis ma chambre de tissus.
Pour mon dernier jour en Grèce, je gagnai Komotini d'où j'allai prendre un bus de nuit pour Istanbul. Et ainsi, cheminant aléatoirement dans la ville, le Bycicletta art café m'ouvrit ces portes, il m'apparut comme une évidence, je devais passer ici.
Une ultime étape pour graver durablement dans ma mémoire le sourire et la serviabilité du peuple grec.
Cette nuit là je ne dormis pas beaucoup, était-ce l'inquiétude d'entrer dans un nouveau monde, était-ce le trop plein de bons souvenirs ou peut-être simplement le confort du fauteuil, une chose est sûre, mon impatience d'ouvrir les yeux aux portes de l'orient effaçait tout sentiment de fatigue.
Une belle étape s’acheva alors ici, loin, très loin de tous mes repères de petit homme de l'ouest. Le bus se vidait, moi je travaillais ma bonne humeur, sortais mon sourire, prenais une grande inspiration et enfin me levai lentement, l'air serein.
Ce jour marquait pour moi une nouvelle étape par le passage non pas d'une mais deux frontières et surtout par mon entrée dans les balkans, attendu tel un nouveau monde, une inconnue pour moi. L'épreuve de sortie de Trieste passée, je pus apprécier une magnifique zone industrielle et portuaire avant de dévier de la voie principale, entrer en Slovénie par un poste frontière déserté et rejoindre une piste cyclable au milieu des vignes. Je n'eus pas droit à cet agréable chemin champêtre bien longtemps et passais en Croatie par le poste principal. Les douaniers me portèrent un regard très curieux et m'assaillaient de questions, puis me laissaient filer sans trop de problème au milieu du trafic intense. Un peu plus loin je decouvrais les premiers paysages vallonnés de Croatie, le bon état des routes ainsi que les vertes contrées cultivées.
Me voila donc pour trois journées en Istrie, j'ai dis trois? Ah oui je n'en avais prévu que deux au départ mais à mon arrivée sur Pulla, j'eus le grand bonheur d'apprendre qu'il n'existait plus de liaison vers l'ile de Cres à partir d'ici. Un instant, je fus très amusé par l'agacement du guide, visiblement je n'étais pas le premier cyclo à passer par là. J'en profitai pour apprécier les vieilles arènes de la ville et quelques autres bâtiments, puis décidais d'aller un peu plus au sud pour trouver à planter ma tente sauvagement. Je savais que j'y trouverai une péninsule couverte de pin, un village et un bord de mer pour m'installer confortablement à la tombée de la nuit.
Le lendemain je m'attaquais donc à la remontée vers le nord de l'Istrie, passant par une route intérieure moins achalandée mais toujours aussi vallonnée.
La croatie est un pays de collines, après chaque bosse, une autre suit un peu plus loin, c'est, je pense, ce qui fait le charme des paysages, et explique pourquoi les croates ne sont pas à bicyclette.
Par cette route, j'atteignis Brestova, charmant village construit à flan de falaise, et réputé pour être le principal accès pour l'ile de Cres.
Allégé de quelques kunas et de quelques litres d'eau (il faisait très chaud), je m’élançais ensuite à l'ascension de l'île, avec comme objectif, la ville (village plutôt) centrale, nommée tout simplement: Cres.
Émerveillé par tant de splendeur je prenais 10 minutes en haut du col avant de redescendre sur la ville, j'en profitai pour avaler une bonne poignée de biscuits en guise de récompense. Je saluai les griffons (genre de faucons), embrassai l'air marin et tournai sur moi-même pour ne rien rater de ce spectacle.
Mon arrivée sur le village fut pour moi, une véritable belle aventure. Déjà, ne connaissant rien de ce pays, je n'imaginais pas y découvrir une architecture aussi riche. C'est ainsi que j'entamais ma première visite d'un coeur historique dans une cité croate. Le maître mot est "caillou", enfin "pierre", les nombreuses ruelles pavées cheminent au milieu des anciennes maisons forment un véritable labyrinthe où chaque intersection est synonyme de découverte. Je prendrai beaucoup de plaisir à jouer ce jeu rafraîchissant qui consiste à se glisser entre les murs de pierres taillées il y a fort longtemps.
Et il ne m'en faudra pas plus - Dans ma robe de mage noir, muni de ma fidèle lionheart, épée d'acier elfique, je suis à la recherche de l'artefact du pope Valaïris. Moi le grand homme blanc de l'ouest je parcourerai le monde des anciens pour venir te terrasser, Protzgor Dragon des montagnes!
En quête d'un sympathique hôte pour clore cette belle journée en Croatie, je n'hésitai pas à interpeller quelques autochtones, c'est finalement Dalibor qui raffla la mise. Non satisfait de ne m'offrir qu'un carré d'herbe, celui-ci me mit une chambre à disposition. Je n'en oublierai pas non plus le charmant couple italien qui, intrigué par mon arrivée dans le voisinage n'hésita pas longtemps avant de venir me parler, Listiana qui arrosait ses plantes, me proposait immédiatement une sorte de rafraîchissement" que je ne pus refuser. S'en suivi une scène pour le moins cocasse, dans laquelle je me trouvai à moitié nu, au milieu de la rue, prenant une douche, agréablement fraiche sous le regard amusé de Ricardo.
La suite des événements nous mènera entre autres, tous les trois dans un restaurant très apprécié des gourmets, où l'on peut déguster l'agneau mi sauvage présent sur l'île, un régal sans équivalent.
Séance de kinésithérapie chez l'un, petit déjeuner continental chez l'autre, une chose est sûre, cette halte me donna du courage pour rallier Mali Losinj sous la pluie intense du lendemain.
Page 02 (du 21 au 23 juillet 2014)
Je vais vous dire, pour moi, la pluie à vélo n'est pas spécialement gênante en soit, elle a même un petit avantage, bon, qu'on se mette d'accord tout de suite c'est le seul: j'avance vite, c'est à dire sans m'arrêter toutes les deux minutes, cela permet donc de rallier ma destination plus rapidement que prévue. En revanche ce qui me dérange avec la pluie ce sont principalement deux choses. Déjà il fait beaucoup plus frais, au moindre arrêt de plus de cinq minutes votre corps va se refroidir dangereusement, repartir devient alors un vrai combat physique. Il est évidemment très difficile de se restaurer correctement dans ces conditions.Ensuite, tout simplement, le mauvais temps empêche d'apprécier agréablement les paysages, et pour ce qui est de prendre des photos, il faudra repasser...
Mali Lošinj, connue pour être le refuge d'une espèce de Gecko, expose fièrement toutes sortes de collections d'objets artisanaux, à l'effigie de la petite bestiole protégée. Mais les touristes viennent avant tout ici pour apprécier les belles plages de Cres et prendre un ferry vers d'autres beautés croates. Cette fois là je rencontrai Dusan, complètement par hasard, je précise, sans chercher.
Intrigué par mon equipement, celui-ci s'était arrêté pour en analyser quelques détails. Je ne pouvais pas nier ma chance de faire cette fabuleuse rencontre avec un des seuls cyclistes de croatie, nous passerons alors le reste de la journée ensemble, à discuter, de nos projets divers. Dusan fit preuve de tant de serviabilité, de patience, j'aurais envie de dire d'amitié envers moi qu'il me sera bien difficile de retrouver pareil échange avec d'autres locaux du pays.
Journée de repos après la pluie, ceci afin d'attraper un ferry et repartir sur le continent, oú je prévoyais de m'éloigner de la côte le temps de changer un peu d'air et surtout de découvrir l'intérieur du pays. La traversée se fera en bonne compagnie d'un couple belge avec qui nous trouverons une auberge sur Zadar pour une somme tout-à-fait honnête.
Il me faudra une longue matinée pour me réveiller, me motiver et surtout prodiguer quelques bons soins à ma compagne. Mais cette étape ne sera pas spécialement marquée par ma première baisse d'entrain, elle le sera beaucoup plus par ce que je decouvris quelques kilomètres après avoir quitté la grande ville. Je quittais alors une grande route pour bifurquer dans la direction de Benkovac où je comptais y trouver refuge. Si je ne connaissais absolument rien de Benkovac, je la choisis comme ville étape pour l'unique raison qu'elle semblait bien située entre Zadar et Šibenik.
Je pense qu'il est très difficile de décrire sincèrement ce que je trouvai ce jour sur la route. Peut-être laissez vous simplement imaginer une contrée verdoyante de France, vous attrapez une petite route de campagne, passez tantôt au travers de forêts paisibles et rafraîchissantes, à peine troublées par les quelques ronrons de tracteurs, tantôt au milieu des cultures. Vous approchez alors de constructions, votre oeil se concentre sur un bâtiment (je vous rappelle que vous êtes à vélo, laissez vous le temps d'arriver à destination). Soudain, votre coeur se fige, le temps s'est arrêté depuis longtemps ici et le votre s'arrête un instant pour observer ce que de bâtiment vous ne trouvez que des ruines. Vous voilà transporté dans un monde de désolation ou l'inhumanité a démontré toute sa puissance. Hum! J'ai parlé "d'inhumanité"? Pour être franc, je crois au contraire qu'il n'y a malheureusement que les hommes pour être capable de produire une telle horreur. Je reprends. Cherchez du regard une âme qui vive ici, mais cherchez bien, il y a bien ceux qui veulent aller de l'avant et ceux qui n'ont pas le choix, mais la réalité est que très peu de croates sont revenus après les affrontements ici et partout ailleurs. Je me demande o combien il doit être difficile de rentrer sur les lieux qui ont vu disparaitre vos frères, afin de nettoyer, trier, déblayer et reconstruire. Quelqu'un m'a dit un jour qu'on ne connait rien de l'enfer de la guerre tant qu'on n'y a jamais été confronté, le poids de ces mots ne m'a jamais paru aussi lourd qu'à mon arrivée ici.
Ok, mais qu'en est-il de Benkovac? Et bien, les nombreuses boutiques fermées donnent une impression de ville semi-fantome, seuls quelques terrasses de café semblent indiquer qu'une population vit ici. Un rapide tour sur la rue piétonne au coeur de ville, je suis seul, je ne m'y sens pas très bien. Il faudra les paroles incompréhensibles mais non moins motivantes d'un papi pour me redonner le sourire alors que je grignotais mon dernier morceau de chocolat suisse, qui par chance n'avait pas complètement fondu (je suis un ours mais je sais aussi me montrer économe à certaines occasions).
Les idées claires, il me paru évident qu'une nuit ici me plongerait un peu plus dans un état de nostalgie. Si je ne fus pas déçu de cette journée qui, bien au contraire, m'a fait prendre conscience de certaines choses et même en apprécier d'autres, je préférais rejoindre la côte et avancer vers Šibenik.
Page 03 (du 24 au 27 juillet 2014)
Définitivement les villes ne sont pas adaptées aux cyclistes en Croatie. Bien souvent, pour y entrer (et en sortir, cela va de soi) il n'y a pas beaucoup d'autres solutions que de rouler en compagnie des voitures, sur les 2x2 voies et avaler quelques bonnes particules. Mais le bonheur des villes croates n'est pas là et Cres avait été un avant goût de ce qui m'attendait un peu plus au sud. Je commençais par Sibenik puis poursuivais vers Split d'où je pris un bateau pour une nouvelle île: Vela Luka. Une gargantuesque pizza avalée en compagnie d'un couple cyclo slovène et voilà de quoi apprécier sereinement les jolis paysages vallonnés.
Oui, il semblerait que je porte des gènes d'ours. Déjà en temps normal, je suis toujours affamé, pousser Ciboulette me demande une source d'énergie encore plus importante. Peut-être devrai-je songer à remplacer la sacoche "nourriture" par une plus grande.
La ville de Korcula fut peut-être l'un de mes meilleurs souvenirs de Croatie. Comme je vous le disais, les vieilles villes sont d'une richesse extraordinaire ici et se perdre dans leurs ruelles est un grand plaisir propulsé par l'impossibilité d'y circuler autrement qu'à pied. Les intersections sont autant d'occasion de voir ou passer à côté d'un détail intéressant, d'une vue sur la mer, d'une église.
Je ne boudai pas non plus de faire une petite marche le long du port d'où j'observais d'un oeil indiscret l'intérieur des deux petits yachts amarres ici.
Ce soir là, une expérience inédite m'attendait. Alors que je négociais un carré de béton dans une cour d'une maison légèrement excentrée de la ville, je fus tout d'abord étonnamment bien accueilli. La famille sollicitée, alors très intéressée par mon aventure, m'invite à boire un thé, me fournit de quoi me laver et passe quelques dizaines de minutes à me questionner. La suite se révélera plutôt surprenante et j'eus rapidement la nette sensation de déranger... Cela débuta lorsque je les interrogeais sur leur intention pour le repas du soir.
- Fais ce que tu veux ne te préoccupe pas de nous.
Ou encore.
- Non, non, nous ne connaissons pas de bonne adresse, tous les restaurants sont bien.
Puis un peu plus tard, voyant le fiston sur internet, de demander où je pouvais trouver une connexion.
- Dans n'importe quel bar.
Faux, j'avais testé en arrivant, les 3 cafés sollicités n'en disposaient pas...
- J'aimerais vous remercier de m'accueillir en vous payant un verre. Lançais-je
- Non merci, je vais rester ici.
Eheh, je sais à ce niveau ça s'appelle du masochisme mais que voulez-vous j'ai peut-être reçu une éducation trop respectueuse.
Rideaux qui se ferment brutalement à mon retour le soir, même cinéma à mon réveil. N'y croyant plus, je pliai bagages discrètement et reçu finalement un magnifique "good bye" au moment de mettre mon premier coup de pédale. Cela ne me surprit pas autant que la phrase qui suivit.
- Reviens quand tu veux, l'été prochain par exemple.
-... thanks, good bye
Un peu déçu de n'avoir eu meilleur contact avec cette famille, je me bâtis deux ou trois hypothèses.
1) ils attendaient de moi un peu de monnaie.
2) j'ai dit quelque chose qui ne leur a pas plu.
3) je n'ai rien compris, ils étaient contents de m'avoir là pour une nuit mais cela ne fait pas de moi un membre de la famille pour autant.
Toujours est-il que pour cette fois, je me satisferai d'avoir eu un emplacement gratuit.
Ce jour, j'entrais dans une des regions viticoles les plus réputées de Croatie, des cultures à perte de vue et des villages abritant les meilleurs producteurs, je regrettai d'être en solitaire, sous la pluie et non en pleine dégustation locale.
Je disais sous la pluie...la tempête en fait comme en témoigne la photo. Je visai la ville de Ston pour cette étape qui me menait tout d'abord sur une belle route côtière. C'est alors que fonçant tête baissée et pestant (un peu) contre le vent qui genait mon ascension, je vis fort soudainement, une tâche brunâtre faire son apparition au loin. Un nouveau COMBO en préparation et ce, juste pour moi. La tornade formée au dessus de l'eau un peu plus bas, ne me posa pas plus de problème que je n'en avais déjà. C'est-à-dire que je ne saurais préciser si c'etait la pluie qui tombait à l'horizontale ou la côte très raide (surement un mélange des deux) mais seul face aux éléments qui se déchaînaient je devais faire abstraction de toute forme de raisonnement logique pour continuer mon avancée.
C'est suite à cette épopée que j'en tirai un premier enseignement, quoiqu'il arrive, cela pourrait toujours aller pire. Et il me suffit d'imaginer un petit ennui mécanique, une crevaison par exemple, pour relativiser mon soi-disant "calvaire".
Et c'est dans la soirée qui suivit qu'un autre enseignement me vint à l'esprit. Celui-ci relève sûrement plus de la croyance et beaucoup moins de la philosophie mais il me plait d'y prêter une certaine importance. En effet il semblerait que le passage d'une épreuve particulière soit annonciateur d'un "cadeau du ciel". Cette fois-là cela se materialisa par ma rencontre exceptionnelle avec Miro et Tadashi.
Je ne saurais dire quelle motivation nous a menés à faire ce choix mais toujours est-il que ni le japonais ni moi-même ne nous étions dirigés vers le camping touristique conseillé par l'office de tourisme de Ston.
Nous nous croisions alors une première fois sur la route, sans échanger ne serait-ce qu'un regard, puis ce fut muni d'un grand sourire que j'accueillis le courageux marcheur à notre destination. Nous étions arrivés ici, dans un petit camping de village boudé des touristes, et découvrions ensemble ce qui nous semblera être un véritable havre de paix. En quelques minutes et sans que l'on comprenne la moitié de ce qui allait nous arriver, nous étions pris sous l'aile de Miro et amenés dans son mobile-home. Nous découvrions alors notre abri pour la nuit et recevions des rondelles de citron marinées en guise de bienvenue. Ce sympathique personnage de presque 70ans est un habitué ici, il a son emplacement à l'année et donc de bons arguments pour imposer ses souhaits.
Mais le plus émouvant nous apparut lorsque Miro, interrogé sur le nom porté par son beau velo tout terrain, nous raconta comment il avait perdu son fils à la guerre. Un fils de 23ans, un gamin, avec un fusil. L'homme, d'un ton sévère nous expliqua ne s'en etre jamais remis et avoir créé une association pour venir en aide aux enfants touchés par les nombreuses mines anti-personnel qui restent disséminées un peu partout. Nous pouvions capter toute la tristesse de ce père de famille aux frissons qui nous parcouraient. Finalement, il semblerait que nous ne soyons pas tous nés sous la même étoile.
De quoi je me plaignais déjà?
Du reste, nous passerons une agréable soirée à papoter d'autres choses, de voyages, de nos familles, autour d'une bière puis d'un verre de Rakija, admirant la beauté du site de bord de mer.
Page 04 (le 28 juillet 2014)
Dubrovnik, dernière étape en Croatie, je m'offrais une agréable auberge de jeunesse et prenais quelques heures pour visiter la vieille ville.
Comme il est impossible de circuler à vélo, je confie Ciboulette à Lukra, la sympathique jeune demoiselle du point info touriste avec qui je ne me lassai pas de discuter. Finalement je lui laisserai mon adresse de blog et elle me laissera en retour la moitié de son lunch et son plus beau sourire.
Pour ceux qui suivent la série, sachez que Dubrovnik et ses environs sont autant de lieux de tournage de Game of thrones. Et je peux le confirmer, entrer dans cette cité construite au 7e siècle vous fait immédiatement remonter le temps, vous êtes alors transporté au moyen âge. Vous vous rappelez...
Protzgor le Dagon! Et bien, je devais rencontrer le roi ce jour-là, il voulait m'aider dans ma quête. Cet ennemi commun doit être pourfendu, pour le bien de la population, des élevages mais surtout pour ne pas compromettre sa souveraineté. Les puissants devant protection envers les plus faibles en échange de leurs services, c'est la règle, celui-ci a trouvé en moi la bonne occasion de faire taire les mauvaises rumeurs. Il me fait confiance, il eut vent de mon exploit à la porte incandescente, dont je suis le seul humain à avoir pu en franchir le linteau. Personne ne sort de ce monastère, c'est un lieu placé sous protection divine, réservé à la formation aux arts de combat dantesques. Ici, vivent en total autarcie, les moines Brefelistes, les combattants des dieux. Leur apprentissage n'a qu'un but, protéger la terre, repoussant ou du moins limitant les colères destructives de Zeirys, dieu maudit.
Si elles apparaissent bien dans les récits d'aventures, aucun homme vivant ne peut estimer la réelle probabilité d'une attaque de Zeyris, pour autant les Brefelistes, ont bel et bien la maîtrise d'un art martial ancestral qu'aucune épée ne peut surpasser. Il en va donc de l'équilibre des forces sur terre de garder ce savoir loin de tout contact extérieur.
La légende raconte qu'il aurait été repoussé par les hommes au début de l'ère médian, priants alors pour son bannissement. Zeirys se serait accouplé avec la princesse Aerlya, engendrant le premier dragon, mi bête-mi dieu, à la fois insoumis, conscient et doté de pouvoirs destructeurs inégalables.
Cette histoire semble exister pour justifier de la crainte des hommes envers les dragons, les écrits des dieux n'en parlent pas, ces êtres y sont décrits comme pacifistes, égaux aux hommes et surtout indispensables au bon équilibre du règne animal. Mais dans les faits, les hommes n'aiment pas les dragons, car en plus d'être craints, ceux-ci dérapent régulièrement, anéantissant chaque années des hectares de cultures, de vergers pour leur consommation.
Finalement je repartirai de la cité mère accompagné de Feudil, prince chevauchant, fils de Doril, roi des poneys. Une lignée à l'agilité et la puissance sans équivalence dans les montagnes de l'est, lui, est un peu jeune, un peu fougueux, nous allons devoir apprendre à travailler ensemble, nous connaître, ne faire qu'un. Dorénavant sa destinée est, au même titre que mes compétences, que mon épée, liée à la mienne!
Page 05 (les 29 et 30 juillet 2014)
Je quittai maintenant la Croatie et poursuivai au Monténégro, le changement de pays se fit en douceur, les paysages côtiers sont très similaires. Arriva alors la première ville, oú je pus sentir la nette différence de niveau de vie. Je m'arretai pour prendre un petit encas:
- 1 euro 50 s'il vous plait, entendis-je
Mon estomac et moi repartions tout sourire après cette petite pause bienvenue.
Le soir même je répétais ce qui avait bien fonctionné plus tôt à Ston, je trouvais un petit camping municipal. Cette fois-ci pas de fabuleuse rencontre mais une reposante pause plage d'où Ciboulette se fit gentillement virer. Apparemment les vélos ne sont pas autorisés sur le sable. Vous n'imaginez pas que je puisse laisser ma compagne à plus de 50m, toute seule! Un peu frustré je parti en quête d'un gros souper. Je ne fus pas déçu en repartant avec mon sandwich king size accompagné d'une excellente crêpe, dont le poids et la taille se rapprochaient étonnamment plus de ceux d'une pizza.
Pressé d'atteindre l'Albanie, je ne m'attardai pas sur la route et avançai à bonne allure. Je rattrapais un premier couple de cyclo mais une averse gêna notre entrevue, je les laissais donc un peu précipitamment. C'est un peu plus loin, dans une belle côte, alors que le soleil faisait de nouveau surface, que je trouvai Kazim, un cyclo turc de 26 ans qui avait pris quelques jours pour ralier L'Albanie depuis l'Autriche. L'homme poussait sa bête qui semblait avoir un sérieux problème sur le moyeu arrière. Nous échangeons nos coordonnées et je promis de lui faire signe à mon arrivée sur Istanbul.
Heureux comme un chat jouant avec sa pelote, j'appréciais la belle descente en lacet qui suivit, traversais Bar, en profitais pour approcher ma 1ère mosquée et me fit rattraper par une fine pluie faisant agréablement chuter le mercure.
C'est à ce moment que le COMBO magistral entre en scène. Je vous préviens, l'histoire est assez longue. Pour commencer je degustai une belle glissade dans un rond point, vous savez, à la manière des motards sur circuit, un coup de patin, la roue avant qui perd son adhérence et paf !
J'aurais bien essayé de me battre mais étant trop prudent, je laissai filer ce gros bus pleins de touristes bien gras qui venait de me couper le priorité. Ce qui m'a profondément marqué, moi le jeune aventurier souriant la vie, n'est pas tant la chute en elle-même mais bien plus le comportement antipathique du monde m'entourant. Tout d'abord, la voiture qui venait de tenter de me grimper dessus m'envoyait de belles paroles, accompagnées de gestes évocateurs me priant de bien vouloir dégager rapidement le terrain. Les klaxons tout autour ne demandaient pas mieux, les deux roues motorisés esquivaient Ciboulette et les sacoches distribuées à droite à gauche, les piétons eux, poursuivaient leur intéressante analyse de la composition du sol qu'ils foulaient.
Je me contentai de savourer d'être toujours en une seule pièce, me relevai et rassemblai mes choses en un instant. Une grande sensation de solitude me piqua le nez, je mis alors dix bonnes minutes à rassembler mes pensées cette fois.
La pluie ne cessa pas immédiatement me motivant à ne pas rester plus longtemps ici.
Je restais confus et mes pensées n'étaient pas là pour surveiller l'itinéraire, c'est donc tout logiquement que je m'écarta de ma route pour une dizaine de kilomètres, en descente. Un dessin ne vous sera pas plus utile pour comprendre qu'une route qui descend dans un sens, remonte dans un autre, je prenai alors quelques secondes pour trouver un "raccourci".
Un homme, sortant de nul part, en fait il sortait de son hotel mais il arriva sur moi tellement rapidement que j'en fut surpris, s'écria:
- salut l'étranger as-tu besoin d'aide?
Il etait aussi grand que maigre et cette première phrase semblait tout à fait honnête. Mais à l'instant où son petit compagnon d'une douzaine d'année agrippa ciboulette, je compris que je n'étais pas plus un gentil voyageur solitaire qu'un porte-monnaie à roulettes. La discussion tourna vite au vin vinaigré, l'homme demandait de l'argent contre les bons conseils fournis, à savoir où trouver l'office de tourisme. Oui vous comptez bien, il n'y eu qu'un renseignement fourni et ce sans la moindre requête de ma part. Je m'empressais de le remercier, donnais un bon coup de pédale et filait plus loin, toujours plus triste.
Le "raccourci" que je décidai de prendre me mena rapidement à descendre de bicyclette pour l'accompagner à pied dans cette côte fort raide. Dans un premier temps il me fut très difficile d'apprécier la beauté de la vue qui se découvrait derrière moi. Petit à petit la route se faisant moins pentue, je remontais en selle, c'est à partir de là que je pris conscience du dénivelé réalisé et commençai à savourer le paysage côtier depuis ma petite montagne. C'est aussi à partir de là que je mis un terme au combo. Arrivé à un petit village, un banc m’accueillit très simplement afin de prendre quelques minutes de répit. Un homme un peu curieux mais fort appréciable vint me démontrer qu'il n'est pas que des hommes malhonnête en ces terres. La suite de ma route au Monténégro n'en fut que plus agréable, je découvrais les charmants paysages de campagne aux couleurs verts pâles, parfois un peu grillé par le soleil, ne manquant de faire signe aux ânes et aux boeufs croisés.
En quelques heures j'arrivais à la frontière albanaise, j'oserais dire enfin! Il apparaîtra plus tard que j'ai finalement manqué la plus belle et accueillante partie du Monténégro. Voyager à vélo, seul et sans consulter de guide, c'est aussi risquer de passer à côté de merveilleuses choses. Barf, "je reviendrai" comme dirait l'autre!
Mon entrée en Albanie fut des plus marquantes, à mesure que j’avançais, je mesurais le grand écart de moyens entre un pays comme la France et celui-ci.
D'abord de par l'état déplorable des routes puis de par l'omniprésence de constructions inachevées. C'est encore une fois assez difficile de décrire les sentiments qui viennent à ce moment là. Quoi qu'il en soit si je ne pouvais pas rester indifférent en croisant cette charrette familiale tirée par un âne, je m'apercevais assez rapidement qu'il n'est pas besoin de voitures climatisées pour savoir sourire.
Après cette éprouvante journée, je trouvai mon auberge de jeunesse un peu excentrée de Shkodër, autour se trouvaient des champs, des déchets, quelques vieilles maisons peu aguichantes. Rien qui ne donne vraiment envie de pousser plus loin la curiosité puis je longeai un mur de pierre, me postai devant une grande porte métallique, dans un grincement strident j'en poussai la portillon et entrai, dans un petit paradis.
Page 06 (du 31 juillet au 02 août 2014)
J'aurais pu rester un moment dans cette charmante maison de bonne famille où je pus déguster quelques traditionnels mets albanais. Peut-être les produits locaux biologiques y seront pour quelque chose mais toujours est-il que je repartais de là en grande forme.
Une longue route ennuyeuse à mourir m'attendait pour atteindre Tirana mais cette étape me réservait toutefois une bonne surprise. Tout juste après une pause casse-croûte, je dépassais un homme à scooter qui en profita pour coller ma roue. Parcourant ainsi quelques centaines de mètres, il vint finalement à ma hauteur et articula quelque chose dans un mélange d'albanais et d'italien, accompagné de quelques gestes, je compris qu'il m'invitait à boire une bière.
Un homme fort sympathique, ancien manager cycliste qui restera comme bluffé par mon parcours.
Je testais ensuite une autoroute en plaine albanaise, qui je dois l'avouer fut plus confortable et sécuritaire que d'autres. J'avalais ainsi les kilomètres sans trop prêter attention aux paysages, puis entrais à Tirana. Ma conduite là-bas ne fut pas plus effrayante qu'à mon arrivée sur Shkodër, je dirais même que je commençais à maîtriser mon sujet, je ne redoutais plus ni les curieux comportements de l'asphalte, ni les usagers à contre-sens. Cela nécessite toutefois une certaine attention, il n'est pas question de rester le nez en l'air plus d'une poignée de secondes.
L'auberge de jeunesse choisie dans la capitale fut une abondance de rencontres, je séjournais donc deux jours en compagnie de voyageurs du monde entier, enfin du monde anglophone. Anglais, irlandais, néo-zélandais, australiens m'ont clairement fait prendre conscience de mon faible niveau linguistique. Je passais toutefois de bons moments en leur compagnie, chacun faisant tour à tour l'effort de me parler très simplement, un peu comme on le ferait avec un gros bébé de 70kg.
C'est lors de notre sortie tardive que Neljana, toute aussi jolie et petite que son diminutif "Nela", fut conviée à se joindre à notre groupe par une de ses connaissances. Nela est albanaise, elle vit et travaille sur Tirana, sa trentaine d'années pourrait tout aussi bien n'être que vingt-cinq à quelques détails que vous ne pouvez découvrir qu'en discutant avec elle. Oui, il suffit d'échanger quelques paroles, dans son anglais quasi impeccable, pour vous rendre compte à quel point la jeune femme sait apprécier chaque moment, chaque personne à sa juste valeur.
Attendez une minute, une demoiselle belle comme une fleur de printemps, pratiquant le yoga, joyeuse à toute heure et qui a une bonne estime d'elle même tout en étant humble et abordable...ce serait...une alien venue d'une lointaine galaxie pour partager ses gènes et ainsi semer du bonheur sur notre planète?
C'est donc tout naturellement que je me retrouvai à passer un sympathique moment en sa compagnie avant de quitter la capitale.
Un premier réveil à 4h30 me faisait découvrir l'appel à la prière par un muezzin à la voix particulièrement douce. Ce chant résonnera en moi comme quelque chose emplie de beauté et d'apaisement. Je prenais le temps d'apprécier ce moment porté par une forte émotion aussi indescriptible qu'inexplicable puis m'endormais pour quelques heures supplémentaires.
Le jour suivant, un peu frustré de ne côtoyer que asphalte et particules, je boudais le nouveau tunnel de la voie principale pour attraper l'ancienne route, celle du col.
Et j'en suis maintenant convaincu, à bicylette, la chance d'être sur une belle route augmente bel et bien avec son élévation. Seul sur cette voie, j'admirais avec une profonde émotion les montagnes qui s'étendaient dans le lointain. Après tout, maintenant que je suis rodé, je grimpe suffisamment vite et bien pour me laisser du temps en haut. J'imaginais ce qui deviendra une habitude par la suite: prendre quelques photos scénarisées, méditer un instant puis lancer une musique qui m'inspire pour continuer mon chemin.
Une belle descente, une belle vue sur les plaines agricoles, puis les usines d'Elbasan crachant leur charbon depuis la centaine de tubes de briques.
Si cette ville étape ne sera pas mémorable pour sa visite elle le sera en revanche pour l'accueil qui j'y trouvai chez Griselda.
Contactée le matin même grâce à un guide de la guesthouse, cette enseignante francophone récemment diplômée m’emmènera chez ses parents où je fus reçu comme leur dernier fiston. Griselda a beaucoup aimé la France lors de son premier séjour là-bas, elle en est revenue émerveillée et projette d'y venir travailler. Et si son français demande encore de petites corrections, son incontestable détermination sera sans aucun doute le moteur de sa réussite.
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Laissant derrière moi les plus importantes villes du pays, j’avançais quasi seul sur la route du col du lac d'Orhid. Et là vous vous dites, encore un col? C'est-à-dire que l'albanie est couverte à 70% de montagnes donc pour joindre la Grèce, il faut faire quelques efforts mais rassurez-vous rien d'insurmontable, même sous 40°C.
Mon souvenir de l'ascension sera plus porté par le nombre incalculable de gens m'interpellant que par le paysage. En effet, le long de la route, des dizaines de services de lavage automobile sont proposées, il faudra attendre l'arrivée le long du lac pour comprendre pourquoi.
Longeant la côte albanaise de ce lac partagé avec la macédoine, j'appréciais tranquillement cette belle route fraîchement bitumée. Mais rapidement ce bonheur se transforma en cauchemar lorsque je vis le panneau "début de travaux". A partir de ce moment et pendant une vingtaine de kilomètre la route n'était qu'un horrible chemin de terre et cailloux, où les crevasses alternaient avec quelques vieilles plaques de goudron. Ajoutez à cela l'écran de poussière généré par le trafic et on devrait êtes proche d'obtenir un combo.
C'est donc tout vilain et humide mais avec deux fois plus de plaisir que j'arrivais sur Pogradec, ville balnéaire sur le lac où je devais rencontrer Klevis, un homme plein de belles expériences et polyglotte. Nous passerons l'après-midi sur la plage avec ses amis, à déguster les bières locales et échanger sur nos parcours. La soirée se finira à la beach party où se produisit une chanteuse des années 80 très renommée, je ne me sentirai pas tout de suite à ma place mais malgré la fatigue, la bonne humeur du groupe me sera finalement communiquée de belle manière.
Pour ma dernière étape en Albanie, je choisissais au dernier moment de changer de trajectoire, une route moins empruntée, plus directe vers la sortie du territoire et le passage à proximité d'un petit lac, voilà autant de facteurs qui guideront mon choix. J'eus alors l'occasion d'y prendre une de mes photos favorite, un chardon en fleur au premier plan, l'étendue d'eau perdue au milieu des terres arides, un troupeau de moutons sur son chemin, puis une chaine de montagnes verdoyantes au fond. Aussi, je garderai probablement les plus beaux souvenirs de rencontres d'enfants, tous intrigués par mon passage, tous accourant autour de moi, les yeux grands ouverts et les mains gentillement baladeuses sur Ciboulette.
En fin de journée, 20 kilomètres avant la Grèce, je m'égarai dans un chemin pour y trouver un hôtel. Mais d'hôtel je ne vi qu'un parking de terre récemment labourée, une grande maison à moitié en ruine, à moitié en construction et trois ou quatre chats pour l'accueil. Je n'insistai pas plus longtemps et allai chercher un peu plus après quelques chose de plus décent. Sur place, la mission négociation de mes derniers lek ne fut pas évidente mais pour une somme tout-à-fait dérisoire j'obtins quand même une belle chambre très propre, un dîner sain et bien garni et un petit déjeuner complet parfaitement adapté à la belle journée de vélo qui m'attendait. Le voyage c'est donc aussi ça, échanger des gestes, des mots, faire comprendre qu'on n'est pas un simple touriste les poches bondées. Et cette fois-ci sera encore une fois une belle preuve que l'argent ne fait pas tout ici bas. Seul client de ce grand et agréable hôtel, je réussirai à attirer la sympathie du patron qui accédera finalement à ma demande, comme honoré de m'avoir sous son toit.
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On m'avait prévenu de le présence de chiens errants gros comme des ours en Grèce mais je n'aurais pas imaginé qu'ils allaient m'accueillir quelques kilomètres seulement après la frontière. Par chance j'eus le temps d'apprécier de loin leur spectacle son et lumière, tournant, grognant, sautant et aboyant autour des voitures de passage. Un motard lui, un habitué pour sûr, avait une bonne technique, ralentir puis accélérer plein gaz à l'approche des animaux affamés. Mais même le ventre vide, vous n'imaginez pas la vitesse à laquelle peuvent courir ces clébards, je ne me risquais donc pas à faire de même. Je m'avançai doucement me répétant que tout irait bien, les moustaches frissonnantes je posai pied à terre, Ciboulette tenue fermement d'une main, le bâton de l'autre, les bêtes eurent vite fait de me repérer.
S'en suivi alors un véritable combat de voix où chacun essayait de faire plus de bruit que l'autre. Je ne dirai avoir eu le dessus mais toujours est-il que la meute resta à petite distance, pour un temps. Car, une demi seconde d’inattention eut suffi, avançant de quelques mètres, l'un d'eux se jeta sur ma chère et tendre pour lui en gouter l'arrière train. Je ne pus rien faire que de voir la pauvre Ciboulette s'écrouler à terre, comme un triste cheval français abattu sur les plaines d'Abraham. Par chance le mouvement de ma lourde bête effraya les assaillants nous laissant ainsi l'opportunité de filer.
J'eus besoin de plusieurs minutes pour me remettre de mes émotions et ce ne sont ni les panneaux "attention présence d'ours", ni le 38 tonnes échoué dans le ravin qui m'y aideront, mais un charmant monsieur. Alors que je m’arrêtais un instant à un croisement au milieu de nulle part, il arriva sur moi en un éclair et s'enquit de mon itinéraire. Ce premier contact m'inspira beaucoup de sympathie envers le peuple grec et j'ignorais encore que cette scène se répéterait dix fois par jour.
Après une rapide visite de Kastoria, je décidai de prendre un peu d'avance sur la prochaine étape qui promettait une petite montagne. Flânant dans le petit village de Lithia, de tout juste trois cent habitants, évitant tant que possible les vilains toutous, j'abordai Elena, une jeune mère de deux beaux enfants qui s'activait dans son jardin. Telle une bonne étoile celle-ci me viendra en aide éclairant mon chemin. C'est autour d'un café frappé, qu'elle commençera par s'excuser de ne pouvoir m'accueillir ce soir là. Elle m'indiquera néanmoins l'adresse assez curieuse d'un bar dominant le village un peu plus haut, où je devrais y trouver "une bande de jeunes gens très sympathiques". Il me suffirait de m'y présenter très simplement pour y trouver une place de camping gratuite, avec eau et lumière mais surtout loin des meutes de chiens errants, contrairement à chez elle. La description faite me laissait à la fois songeur mais intrigué, "un petit village avec un squat de jeunes, que peuvent-ils bien venir faire ici?". Non satisfaite de sa participation, elle s’éclipsa quelques minutes puis me revint avec un sac rempli de provisions. Je repartis avec fruits, légumes, biscuits, jus de fruit, pain, de quoi faire un bon repas.
Quelques mètres plus haut, je posai ma bécane à côté d'une jolie Yamaha. J'étais arrivé au Rido, un bar fermé quelques années plus tôt qui a récemment été mis à la disposition de jeunes gens. Un lieu magique, d'abord de par sa disposition et ses commodités. Surplombant la vallée et offrant une vue magnifique sur Kastoria et son lac, la terrasse magnifiée de sa coquette pergola est sans nul doute ce qui fait le charme de ce squat. Le bâtiment, proposant une grande salle encore meublée et une cuisine professionnelle en état, n'est pas désagréable bien que montrant quelques inquiétants signes de fatigue dus à l'absence d'entretien. Il ne manquait pas même la sono qui envoyait du son populaire grec.
Le contact avec un premier groupe de cinq fût d'une simplicité déconcertante, un peu comme si ils s'attendaient à me voir débarquer. Je fus instantanément invité à prendre mon second frappé à leurs côtés, me plaçant ainsi au centre des discussions. A mesure de mon initiation au sein du Rido, je vis s'ajouter d'autres personnes, nous étions bientôt une bonne douzaine à nous mettre à table. La soirée se poursuivra de fort belle manière autour d'un diner préparé sur place par les filles du groupe. C'est un peu plus tard dans la nuit que je dégusterai mon premier verre de Tsipuro, et vite après, mon second. Il n'en fallut pas plus pour que je sois totalement admis au point qu'ils insistèrent pour me voir rester une journée supplémentaire.
Finalement je regardai la tempête se lever pendant la nuit depuis l'intérieur du bâtiment, ce qui restait autrement plus confortable que depuis ma tente.
Le lendemain je restai la matinée au calme, à me reposer et appréciai d'être au sec plutôt que sur mon biclou. Puis, dès le début d'après-midi, le soleil ayant fait son apparition, j'eus droit à une répétition de la veille, chacun faisant tour à tour son maximum pour me mettre à l'aise et s'assurer que je dispose du nécessaire.
Au déjeuner on me fit porter pas moins de cinq assiettes de spécialités grecques prétextant qu'il me faudrait beaucoup de force pour aborder sereinement le col de Kleissoura. Quelques conseils bien avisés sur la manière de négocier avec le meilleur ami de l'homme, quelques autres plus douteux pour négocier avec les femmes du pays, furent distribués de ci, de là, puis vint le temps de les remercier.
Je quittai ce lieu avec en tête, la preuve flagrante qu'il existe bonté, amitié, et joie dans le cœur de chacun.
Content d'être de nouveau sur les routes, je grimpai sans peine ce petit col qui m'offrit une belle vue sur les deux vallées, posant de temps à autre quelques regards insistants dans la forêt afin d'observer quelques ours sans succès. Je me dirigeai ensuite vers Edessa, où m'attendait, une fois de plus, une heureuse rencontre. Dans un premier temps j'écoutai attentivement les informations de la conseillère de l'office de tourisme qui en plus de me proposer un lieu de camping gratuit, fort bien accommodé, m'indiqua où trouver un lunch à bon prix. Et ainsi, le ventre vide, flairant les nombreuses odeurs de sandwich grec à forte valeur énergétique, je zonai dans les rues piétonnes du centre. Ciboulette, ennuyée de tourner en rond fit halte net à un croisement et, comme instinctivement attirée par ses compères, me mena tout droit sur Marie et David. Ces deux là sont bretons et leurs montures l'affichent bien fièrement à voir leurs petits étendards. Partis bien avant moi, mais de bien plus loin, ils ont eu aussi planifiés un itinéraire en Asie. Nos chemins se croisent logiquement ici en Grèce mais pourraient sans nul doute se recroiser un peu plus tard au Cambodge ou même en Mongolie.
Excité et heureux comme un chiot retrouvant son maître, je ne les lâchai plus, les harcelai de questions puis leur proposai de me suivre pour la nuit. L'idée et le bonhomme leur parurent intéressants alors nous attrapâmes quelques bières et partîmes vers le spot en question. Un peu excentré de la ville, nous découvrions un petit parc à pic nic à peine boisé accompagnant un théâtre grec et une église orthodoxe. Tout le nécessaire était là, nous aurons ainsi une très agréable soirée à échanger nos expériences, nos projets, à peine perturbée par une petite pluie.
Les chiens, encore eux, roderont gentiment autour de nos tentes comme pour surveiller une éventuelle agression, où alors est-ce simplement pour trouver à manger, cette parade durera jusqu'à ce qu'une guerre de clans éclate. Nous aurons le plaisir d'écouter nos protecteurs une bonne partie de la nuit, mais du moins, le gang des méchants restera à distance.
Le jour suivant, leur compagnie égayera une longue et ennuyeuse étape jusque Thessalonique où nous prendrons toutefois le temps de sortir boire une bonne bière pour récupérer, c'est important.
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Et me voilà tout sourire, premier lever, m'en allant quérir quelque petit déjeuner pour mes adorables compagnons. Nous manquions presque de nous étouffer avec les biscuits ainsi portés et je me persuadais que l'intention est plus importante que le résultat. Une petite photo de famille et me voilà parti pour une très courte visite en ville. Des bâtiments plutôt coquets, d'autres moins, des grosses statues mais aussi de plus raisonnables, je n'insistai pas beaucoup plus par peur d'être en retard sur mon programme, d'autant dirons nous que j'ai bâclé le travail et je le confesserai.
Il aurait été trop facile de quitter cette grande cité par la voie nationale, je choisissais alors un raccourci par une jolie petite montagne. Un kilomètre à douze pour cent, je n'étais pas si loin de rendre les petits gâteaux lorsque j'atteignis un point haut de la ville qui me fournit tout de même une vue exceptionnelle. Je recouvrai alors mon souffle, comptai sur un étouffe chrétien supplémentaire pour m'aider à faire passer les autres et poursuivis l'ascension. Passant d'abord par une colline presque couverte de pin à l'odeur si agréable je rejoignis la route principale, traversai ensuite de petits villages puis tins compagnie à un jeune bâtard le temps d'un encas, avant de redescendre paisiblement sur le lac au nord de la ville.
Arrivé à Asprovalta, je commandai un frappé à un beach bar et négociai de piquer la tente par là, ce qui me permit de profiter de l'exceptionnelle douceur de la mer Égée. Par la même occasion, le temps d'un nouvel encas, je tins compagnie à une charmante demoiselle, cette fois-ci.
Le jour suivant me fit passer par de petites routes vallonnées à flan de montagnes, ceci afin d'éviter la nouvelle voie nationale de bord de mer. Un trajet très agréable sous un soleil piquant, bien que rien de vraiment marquant. Il me revient toutefois le goût agréablement doux et sucré des figues collectées sur le bord de route, la vue dégagée sur la plaine agricole et la satisfaisante sensation d'avoir emprunté le bon itinéraire.
Deux courtes heures me seront suffisantes pour visiter Kavala qui se montrera relativement impraticable pour Ciboulette. En cause, les pavés mais surtout les pentes raides entrecoupées d'escaliers transformeront une sympathique promenade touristique en une fatigante quête à la sortie.
Un peu plus loin, je réitérai la technique de la veille et m'installai à quelques mètres d'un bar où l'on m'offrit un rafraîchissement et une nouvelle compagne pour la soirée. Et de vous confier à quel point il est déroutant de se rendre compte que l'association un peu folle d'un bonhomme et son biclou pour une aventure à travers le monde vous place immédiatement dans la catégorie "mecs intéressants".
Il me faudra attendre le lendemain, soit quatre jours après Edessa pour m'émerveiller à nouveau devant les beautés que peut offrir la nature, mais tout d'abord, c'est en fin de matinée que je gagnai la jolie ville de Xanthi. Et non satisfait d'en parcourir l'agréable vieille citée à l'architecture intéressante, je m'installai à un café dans l'attente d'une lanterne pour éclairer la suite de mon chemin. Celle-ci arriva tout naturellement par le patron enchanté de faire ma connaissance. Nous resterons à discuter un moment autour du déjeuner qu'il m'offrit puis celui-ci m'indiqua un ambitieux parcours: un port, une lagune, une église sur une île et enfin une belle plage. Et la lumière fut!
Comme un ange-gardien, il me laissera partir uniquement après avoir glissé dans mes sacoches une crème, un spray pour lutter contre les moustiques et un "be carefull on the road my friend".
Le trajet pour joindre la plage fut bien au dessus de mes espérances, le passage au milieu des marais et autres tourbières me combla de bonheur et de quiétude. Si je pus y observer de nombreuses espèces d'oiseaux, en revanche le combat pour les capturer en instantané se révéla peine perdue. Finalement, j'insistai un peu pour emporter ciboulette et tout le packetage dans le sable, préparai un diner chaud au feu de bois et appréciai un peu de repos depuis ma chambre de tissus.
Pour mon dernier jour en Grèce, je gagnai Komotini d'où j'allai prendre un bus de nuit pour Istanbul. Et ainsi, cheminant aléatoirement dans la ville, le Bycicletta art café m'ouvrit ces portes, il m'apparut comme une évidence, je devais passer ici.
Une ultime étape pour graver durablement dans ma mémoire le sourire et la serviabilité du peuple grec.
Cette nuit là je ne dormis pas beaucoup, était-ce l'inquiétude d'entrer dans un nouveau monde, était-ce le trop plein de bons souvenirs ou peut-être simplement le confort du fauteuil, une chose est sûre, mon impatience d'ouvrir les yeux aux portes de l'orient effaçait tout sentiment de fatigue.
Une belle étape s’acheva alors ici, loin, très loin de tous mes repères de petit homme de l'ouest. Le bus se vidait, moi je travaillais ma bonne humeur, sortais mon sourire, prenais une grande inspiration et enfin me levai lentement, l'air serein.
RESUMÉ
DURÉE
26 jours
DISTANCE PARCOURUE
1824 kms ; moyenne journalière 70 kms
TEMPS PASSÉ À VÉLO
94h07 ; moyenne journalière 3h37
DÉNIVELÉ POSITIF
16 120 m
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES EDOUARD
. Double piqure de guêpe
Sur la fesse droite! La $@£∅#€...
. 76 piqures moustiques
Vampire!!!
. Une chute sur rond point
Egratignures sur coude et malléole ouf!
Donc...on me coupe la priorité, je me ramasse proprement et manque de peu de me faire balayer mais je me fais incendier en plus, normal!
. Nombre d'insultes proférées à l'encontre du Monténégro, suite à la chute: 13
Sûrement plus en fait
. 1,536 kg de particules nocives ingérées
. Esquive de gros animaux 45 unités
Comprend aussi les enfants et les papis à velo
. Nombre de mains levées : 344
Je suis un mec heureux je dis bonjour à tout le monde
. Nombre de réponses: un peu moins
. Nombre de doigt levé: 3
Pas gentils les bus qui respectent aucune distance de sécurité
. Esquive de voiture à contre-sens: 8
. 1 chute sans ciboulette, le pied dans un trou...
Vous connaissez les luminaires encastrés au sol pour faire joli sur les voies piétonnes, ben là y'avait pas la lampe, et paf!
Je me suis bien b...é le pied mais ça va ! Il y avait largement la place de se péter un os dans ce fichu trou.
. Un je ne sais pas trop quoi aux yeux qui piquent et pleurent (pollution? Poussière ? Allergie?): 1 bonne semaine
Chelou
. Douleur au fondement: 1h
Je vous le dis je suis rodé
Une grosse déprime au Monténégro: aprés le combo nommé "big one":
. 1 taxi me klaxonne mes petites oreilles sensibles pendant quasi 1 minute puis me salue du majeur avant de piler devant moi et dégazer sa grosse mercos
. 1 bus me coupe la priorité, belle glissade sur chaussée humide, je manque de me faire écraser et reçois quelques "gentillesses" pour me faire dégager la route (je suis sûr que ses paroles n'étaient pas pour s'inquiéter de mon état) d'ailleurs les nombreuses personnes présentes n'ont pas bougé, HALLUCINANT!
. Erreur de trajectoire (peut-être des suites du traumatisme...)
. Petite agression d'un type avec un gosse qui tient ma bécane, il veut des euros car soit disant il m'a donné des "super renseignements" à savoir, où je peux trouver un point info touriste et un joli "gnin? Albania...pffffaaa you're crazy man"
. Décision idiote de prendre un raccourci...ahah...pente à 20% pour faire 150m de dénivelé supplémentaire (ceci dit la route était magnifique tout en haut!)
Tout ça en...30minutes les copains, BIG ONE COMBO!!
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES CIBOULETTE
. Chute due au vent, support béquille plié
Pendant que d'autres s'enfilaient une bonne assiette de pâtes végétariennes...
. 0 chute à l'arrêt
Bravo, tu as enfin compris qu'il faut déclipser les chaussures des pédales quand tu t'arrêtes
. Belle chute sur rond point, sans mal
La bête serait plus costaude que le bonhomme!
. 4 grosses pluies fatigantes pour la demoiselle
Pour le monsieur aussi!
. 1 morsure de clébard enragé, sur la fesse gauche
Tu serais gentil de faire autant attention à tes mollets qu'à mon arrière train
. 3 nuits dans le sable
J'aime pas le sable! Prend tes tongs, laisse moi et fais toi bronzer proprement on dirait un drapeau autrichien!
. Esquive de justesse d'une agression par le gardien du bar de plage à 3h00 du matin
Heureusement tu t'es réveillé à temps pour me sauver de ses vilaines grosses pattes, il voulait sûrement me tripoter ou m'emmener je sais pas où !
DURÉE
26 jours
DISTANCE PARCOURUE
1824 kms ; moyenne journalière 70 kms
TEMPS PASSÉ À VÉLO
94h07 ; moyenne journalière 3h37
DÉNIVELÉ POSITIF
16 120 m
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES EDOUARD
. Double piqure de guêpe
Sur la fesse droite! La $@£∅#€...
. 76 piqures moustiques
Vampire!!!
. Une chute sur rond point
Egratignures sur coude et malléole ouf!
Donc...on me coupe la priorité, je me ramasse proprement et manque de peu de me faire balayer mais je me fais incendier en plus, normal!
. Nombre d'insultes proférées à l'encontre du Monténégro, suite à la chute: 13
Sûrement plus en fait
. 1,536 kg de particules nocives ingérées
. Esquive de gros animaux 45 unités
Comprend aussi les enfants et les papis à velo
. Nombre de mains levées : 344
Je suis un mec heureux je dis bonjour à tout le monde
. Nombre de réponses: un peu moins
. Nombre de doigt levé: 3
Pas gentils les bus qui respectent aucune distance de sécurité
. Esquive de voiture à contre-sens: 8
. 1 chute sans ciboulette, le pied dans un trou...
Vous connaissez les luminaires encastrés au sol pour faire joli sur les voies piétonnes, ben là y'avait pas la lampe, et paf!
Je me suis bien b...é le pied mais ça va ! Il y avait largement la place de se péter un os dans ce fichu trou.
. Un je ne sais pas trop quoi aux yeux qui piquent et pleurent (pollution? Poussière ? Allergie?): 1 bonne semaine
Chelou
. Douleur au fondement: 1h
Je vous le dis je suis rodé
Une grosse déprime au Monténégro: aprés le combo nommé "big one":
. 1 taxi me klaxonne mes petites oreilles sensibles pendant quasi 1 minute puis me salue du majeur avant de piler devant moi et dégazer sa grosse mercos
. 1 bus me coupe la priorité, belle glissade sur chaussée humide, je manque de me faire écraser et reçois quelques "gentillesses" pour me faire dégager la route (je suis sûr que ses paroles n'étaient pas pour s'inquiéter de mon état) d'ailleurs les nombreuses personnes présentes n'ont pas bougé, HALLUCINANT!
. Erreur de trajectoire (peut-être des suites du traumatisme...)
. Petite agression d'un type avec un gosse qui tient ma bécane, il veut des euros car soit disant il m'a donné des "super renseignements" à savoir, où je peux trouver un point info touriste et un joli "gnin? Albania...pffffaaa you're crazy man"
. Décision idiote de prendre un raccourci...ahah...pente à 20% pour faire 150m de dénivelé supplémentaire (ceci dit la route était magnifique tout en haut!)
Tout ça en...30minutes les copains, BIG ONE COMBO!!
DIFFICULTÉS RENCONTRÉES CIBOULETTE
. Chute due au vent, support béquille plié
Pendant que d'autres s'enfilaient une bonne assiette de pâtes végétariennes...
. 0 chute à l'arrêt
Bravo, tu as enfin compris qu'il faut déclipser les chaussures des pédales quand tu t'arrêtes
. Belle chute sur rond point, sans mal
La bête serait plus costaude que le bonhomme!
. 4 grosses pluies fatigantes pour la demoiselle
Pour le monsieur aussi!
. 1 morsure de clébard enragé, sur la fesse gauche
Tu serais gentil de faire autant attention à tes mollets qu'à mon arrière train
. 3 nuits dans le sable
J'aime pas le sable! Prend tes tongs, laisse moi et fais toi bronzer proprement on dirait un drapeau autrichien!
. Esquive de justesse d'une agression par le gardien du bar de plage à 3h00 du matin
Heureusement tu t'es réveillé à temps pour me sauver de ses vilaines grosses pattes, il voulait sûrement me tripoter ou m'emmener je sais pas où !